Agnès Varda : Agnès par Varda
La légendaire Agnès Varda, qui demeure la plus innovatrice des cinéastes françaises au vénérable âge de 77 ans, est présentement à Montréal pour présenter une rétrospective de ses films à la Cinémathèque québécoise. Journalistes et étudiants étaient invités à la rencontrer lors d’un déjeuner de presse.
Malgré une carrière qui couvre un demi-siècle, c’est Les glaneurs et la glaneuse (2000) qui a fait connaître Agnès Varda à nombre de cinéphiles. "C’est un travail qui s’est fait sur un an, explique la réalisatrice, parce vous n’approchez pas des gens dans la rue et dans les champs comme ça, il n’y a pas un bottin des pauvres. On a cherché tranquillement dans toute la France, ce qui nous donnait l’occasion de montrer les régions diverses et d’entendre les accents différents."
Le premier film de Varda, La pointe courte (1954), est une fiction annonciatrice de la nouvelle vague. "J’avais la liberté et l’inconscience des ignares. J’avais 25 ans, je n’étais pas allé à l’école du cinéma, je ne connaissais ni Visconti ni Welles, rien. Mais je pense que si je les avais connus, je n’aurais pas osé faire du cinéma. La connaissance zéro donne du culot."
Viendront par la suite, entre autres, Cléo de 5 à 7 (1961) et Sans toit ni loi (1985), où l’esprit de spontanéité du documentaire se marie avec la précision du cinéma de fiction. "Quand je revois Sans toit ni loi, je retrouve toutes les options de structure, avec treize travellings de droite à gauche espacés dans le film, qui sont la structure même de la marche de Mona vers sa mort. Dans Cléo, je retrouve mon désir de faire du temps réel, un trajet réel dans Paris."
Même si la rétrospective de la Cinémathèque est accompagnée d’une exposition de photos et que son dernier film s’appelle Cinévardaphoto (2004), Varda ne se considère pas comme une photographe qui fait du cinéma. "Je suis une has been photographe, insiste Varda. Quand je fais un plan, je ne me dis pas, "Est-ce que c’est esthétique?" Jusqu’en 1960, j’étais photographe, mais maintenant j’ai la tête cinéaste, j’essaye de voir ce qui est dans la vie, dans la rue, dans les instants, les comportements…"
Varda s’intéresse aussi aux nouvelles technologies, que ce soient les jeux vidéos, abordés dans Kung-Fu Master (1987), ou les installations multimédias, son dernier dada. "J’ai fait une installation, Les veuves de Noirmoutier, où il y a quatorze petits écrans et dans chacun il y a un portrait d’une veuve. Si vous voulez les entendre, il faut choisir une chaise avec des écouteurs reliés à un des écrans. C’est interactif, d’une façon vraiment sensible. J’essaie de créer le désir d’écouter l’autre. Les veuves n’ont pas beaucoup de voix dans notre société."
La réalisatrice est elle-même veuve de Jacques Demy, à qui elle a consacré plusieurs films dont Jacquot de Nantes (1991). "Ça a été une expérience humaine extraordinaire. Je mettais en scène son enfance qu’il aimait tellement. Jacques venait sur le tournage et il était heureux. La création de quelque chose de vivant nous a aidés à supporter qu’il mourrait."
Aujourd’hui encore, la création fascine Agnès Varda. "À mon grand âge, j’ai encore le désir de faire du cinéma et des installations, ce désir de trouver des formes, des rythmes, des structures, d’inventer des fluidités. C’est ça qui me tient debout", conclut-elle.
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