Seigneur de guerre : Marchand de canons
Dans Seigneur de guerre d’Andrew Niccol, Nicolas Cage incarne un vendeur d’armes à la conquête de pays dirigés par des dictateurs sans scrupules. Entretien avec le réalisateur lors de son passage à Toronto.
Délaissant un instant les manipulations génétiques et le monde virtuel, Andrew Niccol, réalisateur de Gattaca et de S1m0ne, se penche sur le deuxième plus vieux métier du monde, celui de marchand d’armes: "Ces personnages me fascinent, explique le réalisateur d’origine néo-zélandaise. Lorsqu’on leur dit qu’ils sont responsables de la mort de milliers de gens à travers le monde, ils répondent qu’ils ne sont coupables d’aucun crime puisqu’ils n’ont jamais appuyé sur la gâchette. Je suis persuadé que ces gens-là dorment mieux que vous et moi… ils n’ont pas la même conscience que nous. Pour les besoins du film, j’ai dû, entre autres, commander des tanks; or, celui qui nous les a fournis s’est avéré un homme d’affaires efficace doublé d’un homme tout à fait charmant – je devais constamment me rappeler qu’il vendait des tanks en Libye."
Afin d’incarner Yuri Orlov, un Américain d’origine ukrainienne ayant flairé que la fin de la guerre froide était la période idéale pour faire de l’argent en vendant des armes aux quatre coins de l’univers avec son jeune frère (Jared Letto), Andrew Niccol a jeté son dévolu sur Nicolas Cage, qui réussit à nous rendre ce personnage attachant: "Yuri est inspiré de cinq personnes réelles qui, dans la vie de tous les jours, se présentaient comme Yuri, c’est-à-dire des hommes d’affaires et braves pères de famille. Bien que je n’écrive jamais mes scénarios en pensant aux acteurs, Nicolas s’est imposé à mon esprit car il a le don de rendre le diable sympathique; à preuve, l’agent d’Interpol (Ethan Hawke) qui est à sa poursuite nous paraît peu sympathique. Lors de notre rencontre, je lui ai montré des photos d’armes, et à la fin, je lui ai montré un AK-47 puis je lui ai demandé s’il acceptait le rôle: il a éclaté de rire."
Campé de la fin de la guerre froide jusqu’à nos jours, Seigneur de guerre propose une audacieuse plongée dans l’univers des vendeurs d’armes à feu, réalité sur laquelle nous fermons trop souvent les yeux. Cependant, avec sa mise en scène hautement stylisée, le ton ironique de Cage et ses images hyper-léchées, Niccol s’assure de river les yeux du spectateur sur l’écran. Des partis pris qui ont pourtant l’effet pervers de glamouriser un marché responsable de la mort de tant d’innocents, ou encore de nous faire croire que le réalisateur a trop d’imagination.
Voir calendrier Cinéma