Gilles Carle ou L'Indomptable Imaginaire : Rêver le réel
Cinéma

Gilles Carle ou L’Indomptable Imaginaire : Rêver le réel

Gilles Carle ou L’Indomptable Imaginaire, de Charles Binamé, nous convie à une célébration de la vie, de l’amour et de l’art. Rencontre avec le documentariste.

Campé dans la magnifique Isle Verte, si chère à Gilles Carle et à sa lumineuse muse Chloé Sainte-Marie, Gilles Carle ou L’Indomptable Imaginaire s’avère un documentaire intimiste, sans jamais être voyeuriste – car Charles Binamé a su se faire aussi discret que respectueux -, où, malgré la maladie qui frappe durement le cinéaste, l’énergie créatrice de Carle n’a d’égale que l’amour, voire l’adoration, dont il est l’objet par sa compagne et ses amis fidèles: "Mon but n’était pas de faire un film respirant le bonheur et la sérénité, relate le réalisateur, mais en le tournant, j’ai constaté toute la vie, l’effervescence et la lumière qu’il y avait autour de Gilles; en fait, je décrirais Chloé comme étant la lumière de Gilles. Mon intention de départ, c’était de faire le portrait d’un créateur atteint de la maladie de Parkinson par le véhicule de sa propre voix qu’il n’a plus, c’est-à-dire celle d’un scénario où il se met en scène et où Chloé devient sa fille. Je trouvais qu’il y avait une matière singulière de voir qu’un créateur qui, au tout dernier moment de sa capacité d’écrire, est capable de pondre quelque chose qui parle de lui, de façon transposée."

Éveillant tour à tour joie et tristesse, L’Indomptable Imaginaire nous ramène donc peu souvent vers le passé, hormis quelques extraits de films et la voix de Donald Pilon, alter ego de Carle, mais nous porte plutôt vers le présent, alors que l’on voit Carle peindre d’étonnants autoportraits traduisant avec force sa souffrance, et un futur qui n’aura pas lieu. Ainsi, bien qu’il ait refusé, à la demande de Sainte-Marie, de tourner Mona McGill et son vieux père malade, dernier scénario de Carle, Binamé nous offre de façon impressionniste ce qu’aurait pu être ce film: "Pas plus que je ne voulais faire un film militant pour les aidants naturels, car Chloé, qui est aidée par des préposés afin qu’elle ne coule pas avec lui, mène elle-même son combat, je ne voulais pas faire une rétrospective de ses films ni parler de lui à l’époque où il était encore en forme. Je ne voulais pas encombrer le film de souvenirs; c’est la monteuse Dominique Fortin qui a eu l’idée de montrer des extraits comme des coups de chapeau envoyés à Gilles. Au fond, je voulais aller dans sa tête, savoir quelles images hantent encore son esprit; pour moi, c’était une façon de le rendre vivant, de dire qu’il n’est pas une écorce sans vie. À force d’être avec lui, on a parfois l’impression qu’il n’est pas là tant la médication est forte, mais est-ce que cela l’empêche de voir le réel ou plutôt de le protéger? Je trouve cela affolant de croire qu’il peut être toujours conscient, comme Chloé le prétend; je souhaite qu’il puisse parfois s’y soustraire tout en étant capable de ressentir tout l’amour qui l’entoure." Une très belle leçon de vie.

Dès le 7 octobre
Au Cinéma Cartier