La Mariée cadavérique : Il danse avec les morts
Cinéma

La Mariée cadavérique : Il danse avec les morts

Avec La Mariée cadavérique, Tim Burton ravira à coup sûr ceux qui étaient restés sur leur appétit devant sa dernière  fantaisie.

Sans être un ratage, Charlie et la chocolaterie n’a pas comblé les vrais fans de Tim Burton. Or, ceux-ci n’auront pas attendu longtemps avant d’obtenir compensation. Deux mois après la sortie de Charlie, Burton nous offre La Mariée cadavérique, cosigné par Mike Johnson, et cette fois la réussite est totale.

La Mariée cadavérique est une perle noire estampillée 100 % Burton. Un hymne chanté et dansé à l’amour et à la mort. Un merveilleux conte de fées macabre enveloppé d’une atmosphère de romantisme fou. Dans ses meilleurs films, Burton navigue toujours entre la satire et la mélancolie, la poésie naïve et l’horreur, le gris et la couleur, la vie et la mort, la tendresse et la cruauté, la marginalité et la conformité… La Mariée cadavérique est un superbe exemple de ce jeu d’équilibriste qui a déjà permis au cinéaste de signer ses autres chefs-d’œuvre (Edward Scissorhands, Batman Returns, Ed Wood).

Le récit de ce nouveau film d’animation avec figurines est tout simple, mais truffé de détails imaginatifs, tant dans les images que dans les dialogues et les chansons (du doué Danny Elfman). Victor (voix de Johnny Depp dans la version originale), enfant de nouveaux riches, doit se plier à un mariage de convenance avec Victoria (voix d’Emily Watson), fille d’aristocrates désargentés. Voulant apprendre par cœur le texte de son serment de mariage, le nerveux Victor le récite la nuit dans une inquiétante forêt où ses paroles sont entendues par le cadavre enterré d’une jeune femme (voix de Helena Bonham Carter) qui a été assassinée la nuit de ses noces. Persuadée que Victor s’adresse à elle, la fiancée cadavérique émerge du sol pour accueillir son "prétendant" et l’emmener dans l’au-delà…

La Mariée cadavérique est sans doute le premier film d’animation "familial" à être consacré à un triangle amoureux impliquant la notion de nécrophilie. Or, le traitement d’une rare poésie, d’une infinie délicatesse et d’une délirante fantaisie transcende complètement la morbidité du sujet, sans jamais la nier. Le sujet permet aussi à Burton de donner libre cours à son goût pour la satire sur le thème de la lutte des classes. Ainsi, visuellement, l’une des belles trouvailles du film est de dépeindre le monde des vivants comme gris, froid, sombre et austère, tandis que l’univers des morts ("l’underground") regorge de couleurs, de chaleur et de musique entraînante.

D’une beauté à couper le souffle, La Mariée cadavérique parvient à assimiler une grande variété d’influences (romantisme et expressionnisme allemands, films d’horreur gothiques, illustrations d’Edward Gorey, etc.) sans jamais paraître emprunté ou artificiel. Ce joli poème sur le thème du sacrifice amoureux constitue, à mon avis, le meilleur film américain de l’année jusqu’à maintenant.

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