Une histoire de violence : Journée d'Amérique
Cinéma

Une histoire de violence : Journée d’Amérique

Avec Une histoire de violence, David Cronenberg signe son film le plus accessible sans pour autant perdre en style ou en substance. Rencontre avec le réalisateur.

Adaptation d’un roman iconique de John Wagner et Vince Locke, Une histoire de violence met en scène une famille sans histoire de l’Indiana qui voit sa vie bouleversée lorsque arrivent en ville des membres de la pègre irlandaise de Chicago.

Pourquoi avez-vous opté pour un rythme lent, de longs plans et une approche naturaliste afin d’illustrer la descente aux enfers d’une famille paisible?

"Nous aimons vivre notre vie de façon tranquille et confortable, explique David Cronenberg, pourtant, nous savons que si nous vivons assez longtemps, nous affronterons un jour ou l’autre des moments horrifiques, des tragédies, des séparations et, bien sûr, la mort. Dans mon film, j’ai essayé de livrer une version intensive de la vie d’un homme qui tente d’être un bon citoyen mais que la vie amènera à commettre des actes sortant de l’ordinaire. Évidemment, il s’agit d’une vie à l’américaine, car dans certains pays, la violence est quotidienne. En campant l’action dans un village, je voulais donner l’impression d’une vie trop parfaite, donc suspecte, car la vie n’est pas qu’une oasis de tranquillité, pas plus à la ville qu’à la campagne où toutes sortes de créatures se battent pour leur survie."

Lorsque la violence survient, le contraste est d’autant plus fort, notamment lorsque vous montrez le visage des victimes.

"L’idée de confronter le spectateur avec des gros plans de visages défigurés, c’était de démontrer ce qu’est réellement la violence. Les gens aiment la violence, mais aiment-ils vraiment les marques qu’elle laisse? La violence qui m’intéresse particulièrement est celle qui meurtrit le corps humain, c’est une violence intime entre deux corps qui se rencontrent, c’est pour cela qu’il n’y a pas de poursuites en automobiles ni d’explosions, par exemple. Nous nous sommes inspirés de photos pour créer ces blessures; parfois, les gens rêvent de tirer sur quelqu’un, mais ils n’ont aucune idée de ce qui pourrait en résulter. Lorsque Tom (Viggo Mortensen) tue un homme, il réalise avec effroi la portée de son geste, bien que celui-ci soit justifié; en fait, l’idée était de démontrer que, justifiée ou non, la violence ne peut être que dévastatrice."

L’homme et son double

Considéré comme le film le plus accessible de Cronenberg, Une histoire de violence explore cependant un thème cher au cinéaste, celui de la dualité. Cronenberg raconte: "Parfois, j’ai l’impression que les gens croient que j’ai en tête une liste de tous les thèmes que je veux traiter; pourtant, lorsque je lis un scénario, je ne pense pas à ce que j’ai fait auparavant, je me demande plutôt si j’aimerais faire le film ou non. Je n’analyse pas vraiment ce qui s’y trouve afin de faire un lien avec ce que j’ai fait auparavant; évidemment, je suis conscient que certains thèmes m’attirent plus que d’autres. Quant aux critiques, ils avanceront que je traite une fois de plus du thème de l’identité; en fait, on pourrait voir ce film comme l’antithèse de Spider où le personnage n’arrivait pas à se forger une identité, alors que Tom, au contraire, a une identité très forte."

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