L’Audition : L’art d’être père
L’Audition est une belle lettre d’amour sous forme de fable urbaine tragi-comique que Luc Picard dédie à son fils. Entretien avec l’acteur devenu scénariste et réalisateur pour notre plus grand bonheur.
L’histoire est connue. À 40 ans, Luc Picard, acteur chéri des grand et petit écrans, se retrouve sans emploi. À partir d’une lettre d’amour qu’il écrit pour son fils, le comédien se prend à imaginer différentes scènes qui formeront le scénario de L’Audition, un hymne à la beauté de la vie qui, même si l’on y retrouve de l’humour noir, ne laisse aucune place pour le cynisme: "Pour moi, le cynisme, c’est une gang qui essaie de bâtir une maison et l’un d’eux ne cesse de répéter que ça ne marchera pas, d’expliquer le timide mais généreux comédien. Lorsque je suis allé au Rwanda tourner Un dimanche à Kigali, j’ai réalisé que les gens sont en mode survie et qu’il n’y a aucun cynisme, et pourtant, il pourrait y en avoir! La vie, c’est dur, mais je ne me vois pas du tout raconter à quelqu’un qu’elle ne vaut pas la peine d’être vécue."
Flanqué de son partenaire Marco (Alexis Martin, d’une drôlerie irrésistible), Louis (Picard, d’une grande justesse) gagne sa vie à casser la gueule des gens qui ne paient pas leurs dettes tout en rêvant de devenir acteur. Ne sachant pas que sa blonde Suzie (Suzanne Clément, plus radieuse que jamais) attend un enfant, Louis prépare une audition pour un film où il doit jouer un père enregistrant une lettre d’adieu pour son fils avec l’aide de Philippe (formidable Denis Bernard), comédien de théâtre chevronné.
Parfait équilibre entre l’humour et le drame, L’Audition réconfortera à coup sûr ceux que la vision pessimiste de la paternité illustrée dans Horloge biologique de Ricardo Trogi et Familia de Louise Archambault a effrayés tant s’y ressent l’amour du scénariste-réalisateur pour son fils. S’y retrouve également la passion du métier d’acteur dont Picard nous dévoile, non sans cocasserie, les joies et les difficultés, comme dans cette scène où Robert Lepage incarne un metteur en scène exigeant des larmes – lui qui déteste cela dans la vie – d’un acteur qui vient pourtant de se donner corps et âme. Truffé de quelques références au cinéma (Coppola, Tarantino, Spielberg) et d’un clin d’œil volontaire à 20 h 17 rue Darling de Bernard Émond, ce premier film nous fait visiter Montréal à vol d’oiseau, comme si un esprit hantait l’histoire, et admirer les beautés automnales de la forêt: "Même si les dialogues et le jeu sont réalistes, je voulais donner l’impression d’une forêt enchantée parce que mon histoire est une fable; je me suis plu à jouer avec les frontières entre le réel et le rêve, c’est pour cela qu’il y a des fondus enchaînés entre les plans de la forêt et ceux de la ville. Il y a parfois des plans qui donnent l’impression que Montréal est un petit village; aussi, je voulais absolument montrer le pont parce que je "trippe" sur le pont Jacques-Cartier depuis que je suis petit! À chaque film que j’ai fait, je demandais au réalisateur de filmer le pont, mais ça ne se faisait pas; là, je me suis gâté (rires)."
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