Festival du Nouveau Cinéma : Premier de classe
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Festival du Nouveau Cinéma : Premier de classe

Le Festival du Nouveau Cinéma commence (enfin!) aujourd’hui. Survol d’une programmation de haut calibre qui risque de causer quelques déchirements chez les cinéphiles qui ne sauront plus où donner de la tête.

Épuisés par le marathon des festivals? De grâce, reprenez vos forces, car le Festival du Nouveau Cinéma propose 197 œuvres incontournables, dont plusieurs ont fait les délices des plus grands festivals internationaux, de 38 pays en seulement 10 jours. Des titres? Parmi la sélection internationale en compétition pour la Louve d’Or, mentionnons Capote de Bennett Miller, Peindre ou faire l’amour des Larrieu et La Petite Jérusalem de Karin Albou. Du côté de Cinéma d’aujourd’hui, notons l’émouvant Le Temps qui reste de François Ozon et le très beau Three Times de Hou Hsiao-Hsien.                 

Les cinéphiles aux goûts éclectiques ne voudront certes pas manquer la sélection Temps Ø qui aligne entre autres le blockbuster de Bollywood Main Hoon Na, le film-culte Haze de Shynia Tsukamoto ainsi que des courts métrages de Bertrand Bonello, Guy Maddin, Laurie Anderson et plusieurs autres. Et quoi encore? Le FNC, c’est aussi des événements (Kabaret Kino), des master class (Don McKellar), des hommages (Theo Van Gogh) et des rétrospectives (Alexandre Sokurov). Pour tout savoir: www.nouveaucinema.ca.                       

FRANÇOIS GIRARD EN TROIS ACTES DE MATHIEU ROY (QC)            

François Girard en trois actes de Mathieu Roy

Assistant personnel de Martin Scorsese sur The Aviator, Mathieu Roy suit le parcours d’un réalisateur qui manque cruellement au cinéma québécois, François Girard. Loin des plateaux de cinéma, ce dernier n’a cependant pas chômé puisqu’il s’est illustré comme metteur en scène de théâtre (Le Procès de Kafka au TNM), d’oratorio (Lost Objects à New York) et d’opéra (Siegfried de Wagner à la Canadian Opera Company de Toronto). Un documentaire aussi fascinant que stylisé qui met en lumière le génie musical de Girard. (14 oct.) (M. Dumais)

PEINDRE OU FAIRE L’AMOUR D’ARNAUD ET JEAN-MARIE LARRIEU (FR.)

Campé dans les magnifiques paysages du Vercors, que les frères Larrieu photographient avec art, Peindre ou faire l’amour met en scène un couple de quinquagénaires à la retraite (Daniel Auteuil et Sabine Azéma) qui redécouvriront le plaisir des sens au contact d’un aveugle (Sergi Lopez) et de sa conjointe (Amir Casar). Porté par un casting béton, un film déroutant d’une sensualité trouble et enivrante qui ne peut laisser personne indifférent. (14, 17 et 18 oct.) (M. Dumais)

CAPOTE DE BENNETT MILLER (É.-U.)

Premier film de Bennett Miller, Capote nous invite à découvrir la genèse d’In Cold Blood, roman de Truman Capote qui bouleversa à tout jamais la littérature. Bien secondé par Catherine Keener et Chris Cooper, Philip Seymour Hoffman s’avère tout simplement remarquable dans le rôle du maniéré et déroutant romancier et nous fait oublier la rigidité de la réalisation qui hésite par moments entre le biopic et la chronique littéraire. Un film qui donne néanmoins envie de redécouvrir l’œuvre de Capote. (15 et 16 oct.) (M. Dumais)

CACHÉ DE MICHAEL HANEKE (FR.-AUTR.-ALL.-IT.)

Traqué par un vidéaste voyeur, un critique littéraire (Daniel Auteuil) se voit submergé par des souvenirs d’enfance longtemps refoulés. Par le biais d’un thriller psychologique d’une froide élégance, le réalisateur de La Pianiste propose une métaphore cruelle sur le passé colonialiste de la France. Une œuvre mystérieuse et ambiguë du premier au dernier plan qui a récolté le Prix de la mise en scène à Cannes. Brillantissime. (16 et 17 oct.) (M. Dumais)

MANDERLAY DE LARS VON TRIER (DAN.)

Si vous avez détesté Dogville, oubliez ce film car sa suite, Manderlay, qui propose une critique grinçante de l’esclavagisme, se révèle quasi identique par sa mise en scène dépouillée empruntant au théâtre de Brecht et de Grotowski. Si vous avez aimé Dogville, allez-y, mais sachez que la jeune Bryce Dallas Howard, malgré tout son talent, n’arrive pas à la cheville de Nicole Kidman dans le rôle de Grace. (17, 18 et 22 oct.) (M. Dumais)

PETIT POW! POW! NOËL DE ROBERT MORIN (QC)

Petit Pow! Pow! Noël de Robert Morin.

Robert Morin livre ici un autre brûlot à la Yes Sir! Madame avec une caméra voyeuse et une voix accusatrice. Personnifiant un fils confrontant son père mourant, Morin rejoue sans artifices, romantisme ni prétention une situation vue récemment dans le cinéma québécois (Les Invasions barbares, La Vie avec mon père). Le résultat est un véritable drame d’horreur où la torture que le protagoniste inflige au vieillard paraît bien pâle à côté de la perte de dignité humaine dont il souffre déjà. (18 et 19 oct.) (K. Laforest)

3 NEEDLES DE THOM FITZGERALD (CAN.)

Film ambitieux en forme de triptyque du réalisateur du sublime The Hanging Garden, 3 Needles dénonce la négligence face à la propagation du sida. En Afrique, une jeune religieuse (Chloë Sevigny) se livre corps et âme pour stopper le fléau; en Chine profonde, une femme enceinte (Lucy Liu) fait du trafic illégal de sang; à Montréal, la mère d’un acteur porno sidatique (Stockard Channing) tente de venir en aide à son fils. Un film aussi bouleversant qu’enrageant. (18 et 20 oct.) (M. Dumais)

ODETE DE JOAO PEDRO RODRIGUES (PORT.)

Rui pleure la mort de son amoureux Pedro, décédé dans un accident de voiture. Larguée par son copain, Odete voit son rêve de devenir mère s’évanouir. Ces deux vies avançant jusqu’ici en parallèle dévient soudain de leur trajectoire pour converger d’étrange manière. Le réalisateur d’O Fantasma met en scène le triomphe de l’amour sur la mort en piratant les codes du mélodrame. Soulignons la fascinante performance d’Ana Cristina De Oliveira. (19 et 20 oct.) (M. Defoy)

NUIT NOIRE D’OLIVIER SMOLDERS

Avec Fabrice Rodriguez et Yves-Marina Gnahoua

L’entomologiste Oscar est hanté par le souvenir ancien de sa petite sœur décédée. Il cherche à trouver un sens à son obsession. Qualifié de surréaliste par son créateur, Nuit noire procède d’une narration fragmentée dont on a du mal à recoller les morceaux. Chez nous, ça évoquerait plutôt un cadavre exquis concocté par Freud, Kafka et… Hergé. On en sort confus, et c’est tout à fait normal. Le travail sur l’image est particulièrement intéressant. Précédé du court métrage La Technologie des larmes, de Pierre Hébert. (16 et 18 oct.) (M. Defoy)

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RENCONTRE AVEC LES FRÈRES DARDENNE

Film d’ouverture du FNC, L’Enfant, récipiendaire de la Palme d’or, s’inscrit dans la veine naturaliste et sociale de Rosetta et du Fils. Jeune délinquant, Bruno (Jérémie Renier) demeure indifférent à la paternité, au grand désarroi de sa petite amie Sonia (Déborah François). Avide d’argent, Bruno commettra un geste grave.
Rencontrés lors d’une table ronde au Festival de Cannes, les Dardenne confiaient s’être inspirés d’une jeune fille poussant un landau d’une façon étonnante, presque violente, qu’ils voyaient souvent lors du tournage de leur dernier film: "L’image de la jeune fille nous est souvent revenue, relate Jean-Pierre Dardenne. Nous avions remarqué qu’elle était toujours toute seule; or, cela nous a donné envie de donner une existence à celui qui n’était pas là. C’est ainsi qu’est apparu Bruno; nous avons voulu explorer comment celui-ci trouverait sa place auprès du bébé et de la jeune fille."
Brossant le portrait sans fard d’une jeunesse paumée, les frères Dardenne composent des plans moins fébriles que précédemment, mais d’où émane néanmoins autant d’authenticité : "Nous ne voulions pas changer pour changer, mais en inventant cette histoire à deux personnages, explique Luc Dardenne, nous ne pouvions pas filmer comme dans La Promesse ou Rosetta. C’est pourquoi notre caméra apparaît plus calme parce qu’un plan large, c’est terrible de trop bouger. Aussi, les personnages sont souvent en attente, donc, nous avons opté pour une caméra plus stable." Du grand cinéma-vérité. (13 et 14 oct.) (M. Dumais)

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RENCONTRE AVEC ANNE FONTAINE

Entre ses mains d’Anne Fontaine.

À Lille, peu avant Noël, un tueur en série sème la terreur chez la gent féminine. Au même moment, Claire (Isabelle Carré, excellente), qui travaille dans une agence d’assurances, se lie d’amitié avec Laurent (Benoît Poolvoerde, sidérant dans un registre dramatique), vétérinaire et séducteur impénitent. Alors que leur relation devient de plus en plus intime, Claire en vient à soupçonner Laurent d’être l’assassin de Lille.
À propos de cette relation trouble et troublante (autant pour le personnage que pour la spectatrice), Anne Fontaine, rencontrée lors du Festival de Toronto, confiait: "C’est très féminin de vouloir être la personne qui va sauver cet homme et en même temps de ressentir une attirance où la frayeur et l’amour sont entièrement mêlés. Comme toutes les amours extrêmes, il y a quelque chose de galvanisant à l’idée d’incarner l’être unique qui va révéler à l’autre sa part intouchée."
Thriller intime et romantique, Entre ses mains suscite plusieurs questions sur la fascination pour les criminels et l’envie de défier le danger afin de fuir un quotidien trop banal. "Il y a quelque chose de tragique et de puissant dans cette histoire d’amour, de poursuivre la réalisatrice, puisque cela flirte avec quelque chose de terrible. Les personnages flirtent avec la monstruosité, mais une monstruosité très humaine et c’est cela, le paradoxe du film." Un film d’une sensualité platonique d’où se dégage une délicieuse perversité. (14 et 15 oct.) (M. Dumais)