La Vérité nue : Vices cachés
Avec La Vérité nue, Atom Egoyan révèle les dessous peu reluisants du showbiz et des médias en explorant l’amitié inébranlable d’un duo d’humoristes. Entrevue avec le réalisateur ainsi qu’avec les acteurs Kevin Bacon et Colin Firth.
Au dernier Festival international de films de Toronto, l’un des sujets les plus chauds était évidemment cette fameuse cote NC17 attribuée à l’élégant et sulfureux thriller d’Atom Egoyan, La Vérité nue (Where the Truth Lies), en raison de certaines scènes à caractère sexuel. Par le fait même, le réalisateur et ses deux vedettes masculines ont dû défendre le film avec passion:
"Je crois que les gens sont passés complètement à côté de l’impact dramatique de ces scènes, de lancer Colin Firth, interviewé à Toronto. Je crois que leur réaction est inappropriée et qu’ils ne comprennent pas du tout qu’il s’agit là d’un moment-choc du récit et non d’une scène choquante. C’est dommage parce que je dirais que c’est une scène-clé à la fois triste, troublante et fortement révélatrice quant à la nature de la relation entre Lanny et Vince ainsi que la nature du crime. Comment est-il possible que les gens aient jugé cette scène racoleuse? Cela me perturbe de savoir que l’on peut montrer au cinéma quelqu’un se faire décapiter sans problème alors que montrer un sein est toujours tabou."
Également rencontré à Toronto, Kevin Bacon renchérit: "En lisant le scénario, je n’ai jamais eu l’impression que le film serait victime de censure. Évidemment, je savais bien qu’il y avait des scènes à caractère sexuel et je ne savais pas comment elles seraient tournées… Cela démontre à quel point les États-Unis sont demeurés d’une certaine façon très conservateurs; il y a toujours un écart entre la société et l’Église, qui décide encore de ce qui est bien ou mal aux yeux de Dieu."
Il est difficile de ne pas prêter bonne foi aux deux vedettes car, honnêtement, nous cherchons toujours matière à scandale dans le dernier-né du doué réalisateur canadien: "J’ai été chanceux de trouver deux acteurs qui n’ont pas eu peur de s’abandonner, expliquait Atom Egoyan lors de son passage à Montréal où il a présenté son film au FIFM. Jamais ils n’ont craint que ce film nuise à leur réputation; Kevin et Colin sont demeurés des artistes même s’ils sont à un certain point des célébrités. Je ne me doutais pas que le film allait choquer à ce point; on a vu "pire" au cinéma! Ça n’a rien à voir avec ce que fait Breillat ou Intimacy de Patrice Chéreau, par exemple. En fait, je crois que les gens sont choqués parce qu’il s’agit de deux acteurs célèbres; s’ils ne l’étaient pas, personne n’aurait rien dit…"
PARFUM DE SCANDALE
Célèbre duo de variétés, Lanny Morris (Bacon) et Vince Collins (Firth) voient leur réputation sérieusement entachée en 1959 lorsqu’une jeune femme de chambre (Rachel Blanchard) est retrouvée morte dans la baignoire de leur suite d’hôtel. Quinze ans plus tard, Karen O’Connor (Alison Lohman), journaliste ambitieuse et admiratrice des deux artistes qui font depuis carrière solo, décide de lever le voile sur ce meurtre mystérieux.
En prenant connaissance du roman de Rupert Holmes, force est de constater avec admiration à quel point Egoyan s’est approprié de façon fort personnelle ce récit linéaire dont les personnages étaient inspirés par Dean Martin et Jerry Lewis. Le modeste cinéaste répond: "Lorsque j’ai lu le livre, j’ai cru qu’il s’agissait vraiment de quelque chose de très différent de ce que je fais habituellement. J’ai une certaine sensibilité et lorsque j’adapte un roman, étrangement, le récit devient tout autre, car tout est filtré pas mes obsessions. Je suis fasciné par la corruption de l’innocence, c’est donc un leitmotiv dans mes films. De la même façon, j’adore traiter le récit avec de nombreux retours en arrière."
Outre la structure éclatée du récit, que le réalisateur maîtrise avec brio, l’on retrouve des thèmes chers à l’auteur, tels une sexualité quelque peu tordue et des personnages aux multiples visages. Egoyan confie: "Dans Exotica, la sexualité était tordue parce que ritualisée, mais dans Where the Truth Lies, l’érotisme est à la fois simple et torturé parce qu’il s’agit de la persona sexuelle des personnages."
Plus qu’un thriller tantôt lumineux, tantôt sordide, dont le développement nous tient en haleine jusqu’à la fin, La Vérité nue s’avère une formidable étude de caractères doublée d’une plongée glaciale – mais non dénuée d’émotions – dans un monde d’apparences où tous sont prêts aux pires mensonges pour sauver leur réputation. En somme, d’heureuses retrouvailles avec celui qui nous avait offert le si beau The Sweet Hereafters.
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