Festival du nouveau cinéma : Première classe
Le Festival du nouveau cinéma se poursuit jusqu’au 23 octobre. Hâtez-vous, il y a encore de très belles choses à ne pas manquer.
UN HOMME SANS HISTOIRE
DE PIERRE MAILLARD (SUI.)
Vous souvenez-vous du sketch de RBO avec le réalisateur français prétentieux qui, ne sachant quoi tourner, désirait faire un "anti-film"? Pierre Maillard, lui, savait quoi tourner, soit une adaptation d’un roman de Don DeLillo, mais n’ayant pas trouvé de financement, il s’est retrouvé à faire une docufiction décousue avec des essais et des bouts d’archives – l’anti-film, quoi! Le résultat n’est pas complètement sans intérêt mais, même si le film ne dure que 75 minutes, ça demeure plutôt barbant. (20 et 21 oct.) (K. Laforest)
METAL: A HEADBANGER’S JOURNEY
DE SAM DUNN, SCOT MCFAYDEN ET JESSICA JOY WISE (CAN.)
Sam Dunn est tombé dans la marmite heavy metal dans sa jeunesse. Il a par la suite fait des études en anthropologie. Puisant à même son double bagage de fan fini et d’universitaire diplômé, il pose ici sa grille d’analyse sur une sous-culture musicale complexe, dont il retrace les origines et met en relief les particularités. Appelant à la barre des témoins convaincants et convaincus (musiciens, critiques, musicologues, fondus…), Dunn prend fait et cause pour la musique. Pénétrant. (21 et 22 oct.) (M. Defoy)
MAIN HOON NA
DE FARAH KAHN (IN.)
La superstar de Bollywood Shahrukh Khan incarne ici un soldat qui se fait passer pour un collégien afin d’enrayer un complot terroriste visant la fille de son supérieur et, du même coup, renouer avec son frère (Zayed Khan, véritable Brice de Nice indien) et séduire la prof de chimie (Sushmita Sen, Miss Univers 1994). Un film coloré, sexy, parfois absurde mais toujours distrayant, avec des scènes d’action à la John Woo (colombes comprises!) et des numéros musicaux encore plus spectaculaires. (21 oct.) (K. Laforest)
ROMANCE AND CIGARETTES
DE JOHN TURTURRO (É.-U.)
Que penser de cette comédie majoritairement musicale et indiscutablement "médusante" dont accouche le comédien et réalisateur John Turturro (Illuminata)? James Gandolfini y campe un col bleu mal dégrossi qui doit choisir entre sa fougueuse maîtresse (Kate Winslet) et sa légitime épouse (Susan Sarandon). Cigarettes… possède un petit côté fond de caleçon que ne détesterait pas John Waters. Les séquences musicales font dans le karaoké patraque. Gandolfini est particulièrement agaçant… ce n’est pas parce qu’il joue dans The Sopranos que le gars chante juste. (22 oct.) (M. Defoy)
BREAKFAST ON PLUTO
DE NEIL JORDAN (R.-U.)
Breakfast on Pluto de Neil Jordan. |
Dans les années 70, Patrick Brady dit Kitten (Cillian Murphy) quitte sa verte Érin pour le swinging London afin de retrouver sa mère, qui ressemblait à la starlette Mitzi Gaynor. Il y deviendra travesti et sera pris au cœur des activités terroristes de l’IRA. Heureusement, un prêtre bienveillant (Liam Neeson) l’aura à l’œil. Une fantaisie délicieusement tordue et explosive du réalisateur de l’hallucinant The Butcher Boy dans laquelle Murphy s’avère absolutely fabulous. (22 et 23 oct.) (M. Dumais)
ZIM AND CO
DE PIERRE JOLIVET (FR.)
Pierre Jolivet a conçu son dernier film avec son fils Adrien, qui interprète aussi le personnage de Zim, un jeune des banlieues françaises qui doit trouver un boulot afin d’éviter la prison après un accrochage avec la loi. Illustrant joliment les préoccupations de la nouvelle génération, le mélange des races et diverses problématiques sociales sans devenir défaitiste ou moralisatrice, cette comédie tournée de façon décontractée apparaît un peu comme une version plus légère mais néanmoins touchante de L’Esquive. (23 oct.) (K. Laforest)
DE BATTRE MON COEUR S’EST ARRÊTÉ
DE JACQUES AUDIARD (FR.)
De battre mon coeur s’est arrêté de Jacques Audiard. |
Fils d’un escroc (Niels Alstrup), Tom (Romain Duris, d’une belle justesse), malfrat de l’immobilier, décide de préparer une audition dans l’espoir de devenir pianiste virtuose comme l’était sa mère. Film de clôture du FNC, cette adaptation du très ordinaire Fingers de James Toback, mettant en vedette Harvey Keitel dans la peau d’un escroc camé, devient sous la houlette de Jacques Audiard et de son coscénariste Tonino Benacquista (avec qui il avait signé Sur mes lèvres) un émouvant drame psychologique noir, dont la réalisation nerveuse à souhait traduit parfaitement les déchirements du protagoniste. (22 et 23 oct.) (M. Dumais)
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RENCONTRE AVEC PATRICE CHÉREAU ET PASCAL GREGGORY
Dans Gabrielle de Patrice Chéreau, une Scènes de la vie conjugale à saveur proustienne, l’excellente Isabelle Huppert et le bouleversant Pascal Greggory campent un couple qui se déchire peu après que madame eut écrit une missive ayant bouleversé monsieur.
Assurant la narration, Greggory, rencontré au Festival de Toronto, confie: "C’était un vrai rêve de tourner un film en voix off; j’adore les films de Mankiewicz où il y a beaucoup de narration, car cela permet au spectateur d’avoir accès à une histoire dans une histoire. Pour un acteur, c’est un double travail difficile à faire, mais c’est intéressant et amusant de pouvoir créer les deux tendances chez le même homme. En société, il paraît impassible et antipathique, mais lorsqu’il s’adresse au spectateur, il se met à parler comme un fou."
Alternant du noir et blanc à la couleur et utilisant la voix off de façon atypique afin d’illustrer les états d’âme du protagoniste, le réalisateur de la Reine Margot dissèque avec un cruel plaisir un couple de la bourgeoisie du début de XXe siècle, un monde où l’on cache de profondes blessures derrière des apparences blasées.
Chéreau se défend: "Ce n’est pas de la cruauté ni du plaisir, je cherche seulement à comprendre. Depuis que l’homme existe, les hommes et les femmes se mettent en couple pour un temps selon des modes qui semblent montrer qu’ils sont incapables de vivre ensemble. En fait, ce sont les gens qui sont cruels entre eux et qui ne trouvent pas de plaisir à être ensemble. L’important dans ce film, c’est de voir que ce couple vit les mêmes problèmes que l’on vit de nos jours." Une fine étude de caractère, adaptée d’une nouvelle de Joseph Conrad, dont la conclusion tombe comme un couperet. (22 et 23 oct.) (M. Dumais)
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RENCONTRE AVEC KAREN YOUNG ET LOUISE PORTAL
Vers le sud de Laurent Cantet. |
Inspiré de trois nouvelles de Dany Laferrière, Vers le sud de Laurent Cantet s’intéresse au destin de trois femmes mûres (Charlotte Rampling, Louise Portal et Karen Young) qui trouvent sexe et tendresse dans les bras de jeunes prostitués haïtiens à l’époque des tontons macoutes.
"Pour mon personnage, de raconter Karen Young, rencontrée au Festival de Toronto, il ne s’agit pas de prostitution, mais d’amour. C’est une Américaine puritaine qui croit que les hommes peuvent payer pour avoir du sexe, mais qui n’accepte pas que les femmes aient à payer pour obtenir de l’amour. En fait, c’est une romantique qui perd son innocence."
Incarnant une Québécoise au grand cœur, rayon de soleil dans ce film d’où émanent constamment tristesse et mélancolie, Louise Portal parle du regard de Laferrière sur la femme: "C’est un regard amoureux; Dany est un amoureux des femmes et des jeunes filles. C’est quelqu’un qui a beaucoup de charme et de sensualité. J’adore l’écriture de Laferrière et j’étais très fière de pouvoir jouer dans un film s’inspirant de ses récits, d’autant plus que je trouvais courageux de la part de Cantet de tourner un film sur le désir féminin."
Bien qu’il épouse le rythme nonchalant des vacances, ce film fout le cafard tant par le miroir désolant qu’il renvoie aux femmes que par l’injustice sociale toujours actuelle qu’il dénonce. Young conclut: "J’espère que ce film ouvrira les yeux sur la triste réalité de Haïti et aussi sur le fait que les femmes n’ont pas à vivre une vie sans amour passé un certain âge." (21 et 22 oct.) (M. Dumais)