Cinemania : Briser les solitudes
Du 3 au 13 novembre, le festival de films Cinemania propose une vingtaine de films en français pour tous les goûts… with English subtitles, of course! Entrevue avec Radu Mihaileanu, qui viendra présenter Va, vis et deviens lors de la soirée d’ouverture.
Festival des films en français avec sous-titre anglais, Cinemania s’amène pour une onzième année afin de faire découvrir à nos amis les anglos les beautés et subtilités de la langue de Molière, tout en nous permettant de découvrir des œuvres jamais vues en Amérique du Nord.
Pour lancer les festivités, Cinemania a choisi en guise de film d’ouverture le très beau Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu (Train de vie), qui raconte l’exil des juifs d’Éthiopie, ayant trouvé refuge au Soudan, vers Israël, à travers le récit d’un chrétien de neuf ans poussé par sa mère à se déclarer juif afin de fuir la pauvreté. Arrivé à destination, il sera adopté par une famille de juifs sépharades de Tel-Aviv. Grâce à sa mère adoptive (éblouissante Yaël Abécassis), Schlomo réussira à s’adapter à sa nouvelle vie, sans pour autant vaincre sa peur d’être démasqué.
Rencontré au Festival de Toronto, le réalisateur s’est dit flatté d’ouvrir Cinemania: "Honnêtement, je ne connais pas très bien ce festival, mais c’est toujours un grand honneur de faire l’ouverture d’un festival. C’est d’autant plus un grand honneur d’ouvrir un festival de films de langue française que je suis un francophone d’élection d’origine roumaine, j’ai donc toujours rêvé d’être considéré comme un Français comme les autres, ce que souhaite tout immigré, sans pour autant renier mes origines – c’est là la problématique du film. Aussi, je vis une vieille histoire d’amour avec Montréal depuis mon premier film, Trahir, qui a gagné quatre prix au FFM; cela a été un miracle de commencer ainsi ma carrière et de rencontrer le public québécois."
Grâce à ce film, Mihaileanu dévoile un pan de l’histoire peu connu, l’Opération Moïse de 1984-1985 voulant que des milliers de juifs africains soient rapatriés en Terre Sainte: "J’ai voulu faire le film un peu pour cela, car j’étais révolté que l’on ne connaisse pas plus cette histoire – moi-même je ne la connaissais pas avant de me documenter. J’avais l’impression qu’on l’ignorait parce qu’il s’agissait de petits Africains, de Noirs, alors que pour moi, c’est la plus grande aventure humaine du 20e siècle de l’après-guerre, c’est l’équivalent de l’exode des juifs sous Moïse. Je pense que dans quelques centaines d’années, on va parler de cette expédition, de ce peuple ancestral, de ces gens qui ont quitté l’Éthiopie pieds nus, habillés et démunis comme Moïse. Ayant vécu comme au 15e siècle, ils se sont vus projetés au 20e siècle avec tout ce que cela comporte de difficultés."
Prix du jury et du public à Berlin, Va, vis et deviens se révèle un drame bouleversant porté par l’espoir: "Cette histoire n’est pas que triste, il y a beaucoup d’humanité; quand l’humanité veut, elle peut, c’est ça le grand cri d’espoir de mon film. Et lorsque plusieurs mères s’allient et que l’amour est là, elles peuvent sauver un enfant… c’est pour ça qu’il faut donner encore plus de place aux femmes dans la société. Je dirais donc que c’est un film fait avec beaucoup d’amour et une petite colère." (3 et 6 nov.) (M. Dumais)
LES MOTS BLEUS
D’ALAIN CORNEAU
Bercé par la chanson de Christophe, Les Mots bleus du maître ès polar met en scène une fillette qui, refusant mystérieusement de parler, est placée dans une école de sourds-muets où elle est prise en charge par un enseignant souffrant du complexe de Peter Pan (Sergi Lopez). Dès lors, une difficile relation s’établira entre cet homme et la farouche maman de la gamine (Sylvie Testud). Un sobre et gentil mélo porté par deux formidables acteurs. (4 et 5 nov.) (M. Dumais)
36, QUAI DES ORFÈVRES
D’OLIVIER MARCHAL
Un gang de bandits insaisissable impose sa loi sur Paris. Le grand patron des forces de l’ordre (André Dussollier) convoque ses principaux lieutenants, Vrinks (Daniel Auteuil) et Klein (Gérard Depardieu), pour leur faire comprendre le sérieux de la situation. Celui qui coffrera la bande aura droit à une belle promotion. Drame policier rappelant à certains égards le Heat de Michael Mann, 36… s’encombre d’éléments "tragédiques" lourdauds qui nuisent au rythme d’ensemble. Vaut principalement pour sa facture visuelle travaillée. (4 et 5 nov.) (M. Defoy)
JE PRÉFÈRE QU’ON RESTE AMIS
D’ÉRIC TOLEDANO ET OLIVIER NAKACHE
Gérard Depardieu affirme vouloir arrêter de tourner, mais pour l’instant, on le retrouve pour la énième fois cette année sur nos écrans, jouant à nouveau un type passionné mais manquant de tact. Pour sa part, Jean-Paul Rouve interprète un célibataire entraîné par Depardieu dans divers endroits pour rencontrer des femmes, incluant l’agence d’un gourou de la rencontre (Yves Jacques) et des mariages où ils ne sont pas invités. Comme dans Wedding Crashers, mais en beaucoup moins drôle. (5 et 12 nov.) La projection du 5 novembre sera suivie d’une table ronde intitulée Le rire est-il sans frontières? animée par le journaliste André Lavoie, à laquelle participeront Yves Jacques, Christopher Hall et votre humble serviteur. (K. Laforest)
DOUCHES FROIDES
D’ANTONY CORDIER
Mickael (Johan Libéreau), lycéen issu d’un milieu modeste, se lie d’amitié avec Clément (Pierre Perrier), gosse de riches qui vient de se joindre à son équipe de judo. Les choses se compliquent quand la jolie copine (Salomé Stévenin) de Mickael s’immisce entre eux. À la fois film de sport et film d’adolescents, Douches froides évite la majorité des clichés de ces deux genres afin plutôt d’explorer subtilement des questions d’ordre psycho-sexuel ou social. (6 et 8 nov.) (K. Laforest)
LILA DIT ÇA
DE ZIAD DOUEIRI
À 16 ans, Lila (Vahina Giocante, provocante à souhait) a une tête d’ange et une langue de pute. Éprise de Chimo (Mohammed Khouas, juste), beur de 19 ans qui rêve d’être romancier, Lila fait perdre la tête à ce dernier en lui racontant ses fantasmes les plus salaces. Une rencontre qui aura des répercussions inattendues pour les deux tourtereaux. Adaptation du roman érotique de Chimo, Lila dit ça, du réalisateur de Beyrouth-Ouest, s’avère un coming of age movie assez troublant où la nature des personnages se révèle par petites touches. (9 et 13 nov.) (M. Dumais)