Image + Nation : Toutes couleurs unies
Cinéma

Image + Nation : Toutes couleurs unies

À l’occasion d’Image + Nation, le Cinéma Parisien devient le temple du cinéma gai et lesbien en provenance de tous les horizons. Coup d’œil sur une programmation placée sous le signe de l’éclectisme…

Les cinéphiles montréalais ne savent plus où donner de la tête depuis l’été en raison d’une succession ininterrompue de festivals. Et le bal continue en cette fin d’automne avec la 18e édition d’Image + Nation, le très vénérable festival queer de la Métropole. Par sa spécialisation thématique, I+N a un net avantage sur ses frères généralistes; ici, contrairement au FFM et autres méga-bouffes cinéphiliques où l’on cherche en vain une politique de programmation, les organisateurs annoncent clairement leurs couleurs… celles de l’arc-en-ciel! Ne leur reste plus qu’à livrer la marchandise…

Le coup d’envoi des festivités se fera sous le signe d’un humour doux-amer avec le film canadien Whole New Thing d’Amnon Buchbinder. Le scénario propose une histoire classique d’éveil amoureux chez un adolescent un peu nerd. Le twist, c’est que le jeune garçon s’éprend de son professeur de littérature, un quadragénaire gai et célibataire qui s’intéresse à son élève, mais uniquement sur le plan intellectuel. Donc, pas question ici de drame pédophilique. Bien au contraire, le film joue la carte de la délicatesse et de l’innocence, au point d’ailleurs d’en devenir un peu aseptisé sur les bords. Il s’agit tout de même d’une œuvre attachante et nuancée, fort bien interprétée par le jeune Aarom Webber et par l’acteur néo-écossais Daniel MacIvor, à qui le festival rend hommage cette année.

Dramaturge, metteur en scène, acteur et cinéaste prolifique, MacIvor viendra à Montréal pour présenter son film Wilby Wonderful, œuvre chorale dont l’action se déroule sur une période de 24 heures dans une petite ville dont toute la population semble dysfonctionnelle. Il s’agit d’une petite comédie excentrique, inégale, dont l’humour noir et cynique est trop souvent émoussé par un traitement manquant de relief et de mordant. Tout de même, il y a quelques perles dans cette étude de mœurs où défile une bonne partie du bottin artistique du ROC (Paul Gross, Maury Chaykin, Sandra Oh, Rebecca Jenkins, James Allodi, etc.).

En tout, le festival présentera cette année près de 140 œuvres, courts et longs métrages, œuvres de fiction et documentaires. Deux thèmes seront à l’honneur dans cette programmation: la Seconde Guerre mondiale et les années 70, deux époques charnières dans l’histoire des gais au siècle dernier. On pourra voir, notamment, des films portant sur la persécution des homosexuels durant la période nazie (Un amour à taire, Natota – Before the Fall, Paragraph 175, Heroes and Gay Nazis), et des documentaires fascinants sur la liberté sexuelle pré-sida au cours des années 70 (That Man: Peter Berlin, Sex in the 70s et le programme de courts métrages LGBtv).

Parmi les longs métrages de fiction, mentionnons Summer Storm, de l’Allemand Marco Kreuzpaintner, dans lequel un jeune rameur qui s’entraîne pour une compétition d’aviron tombe éperdument et secrètement amoureux d’un de ses camarades, résolument hétéro. Une histoire classique de coming out qui observe les premiers émois amoureux d’un jeune gai et son lent processus d’acceptation de soi, le tout dans un style humoristique très léger, presque calqué sur les comédies d’adolescents américaines. Ce qui, en soit, présente un petit quelque chose de subversif…

Si cette vision fleur bleue vous agace, l’antidote se trouve peut-être dans le film français Ma mère de Christophe Honoré, adaptation-choc du roman de Georges Bataille. Isabelle Huppert y joue avec beaucoup d’aplomb une mère débauchée, une "véritable chienne" (ce sont ses mots). Elle a un fils (Louis Garrel), jeune homme pieux qui lui voue une admiration sans borne, la voyant presque comme une sainte. Dégoûtée par ce mensonge, elle décide de l’entraîner au cœur même de ses perversions pour lui faire perdre pour de bon ses illusions. Filmé avec un sens du naturalisme brut extrêmement efficace, ce film a été qualifié d’abject par des critiques de la droite en France. Il faut dire que l’œuvre va pas mal loin dans son exploration du côté sombre de l’âme humaine. À vos risques et périls…

Pas très jojo non plus, le film canadien Show Me de Cassandra Nicoladu raconte les épreuves d’une jeune yuppie de Toronto qui se fait enlever, puis séquestrer dans un chalet isolé, par deux squeegees en cavale. Sorte de huis clos au grand air, le film hésite constamment entre les ressorts classiques des thrillers de kidnapping et l’étude psychologique songée. L’intrigue carbure à grands coups de révélations sur le passé des personnages, notamment l’orientation sexuelle de l’un d’eux. Dans le genre, on a vu mieux. La suite la semaine prochaine!

Du 3 au 13 novembre.
www.image-nation.org