Tutto Pasolini : L'expérience extatique
Cinéma

Tutto Pasolini : L’expérience extatique

Tutto Pasolini, c’est vivre l’expérience pasolinienne à la Cinémathèque québécoise, soit voir 35 films et documentaires d’un incontournable poète de l’image.

Tout le monde ne connaît pas l’œuvre de Pier Paolo Pasolini, du moins dans son intégralité. Or, avec les Fellini, Visconti et Antonioni, Pasolini compte parmi les cinéastes italiens les plus influents de sa génération. Dans une certaine mesure, il serait condamnable de le méconnaître et cinéphiliquement hérétique de passer outre une rétrospective de l’œuvre démesurée de ce cinéaste dont la poésie hystérique n’a d’égale que son érotisme bruyamment décadent.

Afin de pallier cette hérésie, la Cinémathèque québécoise offre aux cinéphiles la possibilité extatique de voir ou de revoir les fictions et documentaires de ce cinéaste maudit, assassiné dans des circonstances sordides en 1975. Bien que sa mort violente et affreusement théâtrale eût pour conséquence de mythifier à outrance l’homme au détriment de sa singulière poétique cinématographique, il n’en demeure pas moins que celle-ci parvient encore jusqu’à nous comme le cri du cœur d’un véritable artiste épris de fantasmes personnels, de mythes universels et de poésies.

Cette rétrospective complète sera l’occasion unique pour nous de refaire le parcours de l’artiste, de son premier Accatone (1961) à son ultime et dérangeant Salo ou les 120 journées de Sodome (1975), lequel aura fait couler beaucoup d’encre et bien d’autres choses encore. On remarquera dans ce parcours dramatiquement bref, couvrant 14 années de production ininterrompue, une constance: celle d’offrir un constat amer et sans concession d’une humanité livrée à sa destinée funeste, mais également celle de bousculer les codes cinématographiques et les règles de bonne conduite morale. Il serait également hérétique de ne considérer que l’aspect organique et scatologique de l’œuvre du cinéaste; véritable poète de l’image, Pasolini s’est aussi commis dans la philosophie du 7e art, offrant ainsi, malgré quelques tâtonnements maladroits, ces perles théoriques et indispensables pour comprendre la poésie de l’artiste que sont "la subjective indirecte libre" ou "la langue écrite de la réalité". Car ce que Pasolini a fait, bien peu de cinéastes le font encore, c’est-à-dire réfléchir à l’œuvre comme on réfléchit l’œuvre pour faire œuvre de réflexion.

En parcourant l’œuvre de Pasolini, on demeure surpris de constater que la constance poétique n’exclut pas la diversité et l’éclectisme des plus habiles. Que le récit soit contemporain aux accents psychanalytiques (Théorème, 1968), mythico-érotiques (Médée, 1969) ou biblico-réalistes (L’Évangile selon saint Matthieu, 1964), Pasolini réussit chaque fois à transcender le genre jusqu’à en offrir une perception doublement singulière, soit unique et étonnante. C’est un peu cela, la "subjective indirecte libre" dont le cinéma de poésie pasolinien se veut en quelque sorte le parangon; peu importent le genre et le thème, il demeure cette constance que le film s’avère être le reflet de la conscience de son auteur, lequel ne pourrait être compris sans l’œuvre dont il fait assurément partie. Tant de choses restent encore à dire sur le cinéaste que la conférence de Serafino Murri, le 2 novembre à 17 h, à la Cinémathèque, s’avérera à maints égards essentielle et complémentaire. Du 2 novembre au 17 décembre.

www.cinematheque.qc.ca.