Pas de pays sans paysans : Mauvaise graine
Cinéma

Pas de pays sans paysans : Mauvaise graine

Dans Pas de pays sans paysans, la documentariste Ève Lamont passe en revue les nombreux bouleversements causés par la machine agro-industrielle. Le bonheur n’est plus dans le  pré.

Forcée par la logique marchande à s’engager dans une dangereuse course productiviste, l’agriculture s’essouffle et, avec elle, les agriculteurs éprouvent de plus en plus de difficulté à exercer leur métier. Les problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels font face les artisans de la terre sont criants.

Malgré cela, il est encore trop tôt pour annoncer la fin des haricots. Dans les vignes de France comme dans les Prairies canadiennes, des plaines "vermontoises" au terroir québécois, la résistance s’organise et fait clairement entendre son message: il faut revenir à une approche plus modeste, penser goût et santé plutôt que perfection et profit, s’en remettre aux méthodes douces préconisées par nos ancêtres.

Cultivatrice à temps partiel et cinéaste à plein temps, Ève Lamont nous fait faire le tour d’un jardin planétaire visiblement mal en point. Fruit d’une longue et solide enquête, son documentaire met efficacement en relief les nombreux problèmes auxquels se heurtent paysans, cultivateurs et autres éleveurs. Grave sans être alarmiste, le propos diffuse également sa part de lumière: en effet, Lamont ne manque pas de recenser ces terres où prospèrent les "semences d’espoir" plantées par d’irréductibles paysans. La réalisatrice de Squat! et de Méchante Job nous parle de sa démarche.

Pas de pays sans paysans traite de plusieurs questions, qui auraient toutes pu faire l’objet d’un film entier. Y a-t-il eu tentation de n’en traiter qu’une seule plutôt que de les aborder à la queue leu leu?

"Oui, j’aurais pu réaliser un film sur les OGM ou sur la mondialisation de l’agriculture. J’ai aussi hésité entre me concentrer sur les impacts sociaux et environnementaux et parler seulement des "alternatives", des solutions. En faisant les deux, le film va au-delà de la simple dénonciation."

Depuis quelque temps, on a l’impression que chaque semaine amène son débat. Des documentaires coup-de-poing, Les Voleurs d’enfance en est un exemple, ont bien un impact médiatique, mais d’assez brève durée. Est-ce que Pas de pays sans paysans ne risque pas de subir le même sort?

"Je ne suis pas d’accord pour dire qu’un débat chasse l’autre. Ça dépend du type de documentaire. Je ne veux pas comparer Les Voleurs d’enfance avec L’Erreur boréale, par exemple. L’action de Desjardins continue; son film a contribué à l’engagement citoyen dans cette lutte-là. Excusez-moi, mais je ne trouve pas que le débat a été wip. C’est sûr que ça ne bouge pas aussi vite qu’on voudrait. Nos décideurs politiques décident de rien en ce moment.

Je n’ai pas fait un film à sensations. J’ai fait quatre ans de recherche, trois ans de rencontres avec des producteurs agricoles. Je ne fais pas que pointer les défauts. Je démontre qu’il y a déjà des solutions qui sont viables, qui sont à notre portée. Il s’agit de les mettre en application.

En agriculture, on est mûrs pour un grand débat. Ça ne peut plus continuer de même. Si on n’effectue pas un virage radical, on s’en va direct dans le mur. Si mon film peut contribuer à mettre en place ce débat-là, tant mieux."

Quelle vie peut-on envisager pour Pas de pays sans paysans après son séjour en salle?

"C’est sûr que quand un film sort, il a son petit moment de gloire. Mais ensuite, il continue son travail de façon souterraine. Après son passage en salle, Squat! a circulé beaucoup dans les écoles, dans les groupes sociaux. Pendant l’année qui a suivi, je m’adressais à des auditoires de 200 à 300 personnes dans des amphithéâtres."

Le projet a nécessité quatre ans de travail. Parlez-nous un peu du processus qui a conduit à sa création.

"C’est ce qu’on appelle faire du documentaire d’auteur. Il y a un peu de missionnariat là-dedans (rires). Ça exige un don de soi qui va au-delà de ce que ton budget de tournage peut te permettre. Ce qui m’a avantagé, c’est que je suis aussi camérawoman professionnelle. Avant mes débuts en réalisation indépendante, j’ai commencé à travailler comme camérawoman et directrice photo pour diverses maisons de production. Ça m’a donné une souplesse et une capacité d’aller chercher sur le terrain une diversité de témoignages."

On s’attendrait à ce que le film, vu son parti pris engagé, suscite des émotions fortes telle la colère. Il donne aussi le moton, pardonnez l’expression…

"C’est pas un film racoleur. On parle de témoignages livrés par des gens vivants, réels, c’est pas des acteurs. Oui, ça va venir te chercher. La réalité dépasse souvent la fiction."

Le 18 novembre à 19 h 30
Au Musée de la civilisation
Dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire
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À l’affiche dès le 25 novembre
Au Clap