Pas de pays sans paysans : Mauvaise graine
Dans Pas de pays sans paysans, la documentariste Ève Lamont passe en revue les nombreux bouleversements causés par la machine agro-industrielle. Le bonheur n’est plus dans le pré.
Forcée par la logique marchande à s’engager dans une dangereuse course productiviste, l’agriculture s’essouffle et, avec elle, les agriculteurs éprouvent de plus en plus de difficulté à exercer leur métier. Les problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels font face les artisans de la terre sont criants.
Malgré cela, il est encore trop tôt pour annoncer la fin des haricots. Dans les vignes de France comme dans les Prairies canadiennes, des plaines "vermontoises" au terroir québécois, la résistance s’organise et fait clairement entendre son message: il faut revenir à une approche plus modeste, penser goût et santé plutôt que perfection et profit, s’en remettre aux méthodes douces préconisées par nos ancêtres.
Cultivatrice à temps partiel et cinéaste à plein temps, Ève Lamont nous fait faire le tour d’un jardin planétaire visiblement mal en point. Fruit d’une longue et solide enquête, son documentaire met efficacement en relief les nombreux problèmes auxquels se heurtent paysans, cultivateurs et autres éleveurs. Grave sans être alarmiste, le propos diffuse également sa part de lumière: en effet, Lamont ne manque pas de recenser ces terres où prospèrent les "semences d’espoir" plantées par d’irréductibles paysans. La réalisatrice de Squat! et de Méchante Job nous parle de sa démarche.
Pas de pays sans paysans traite de plusieurs questions, qui auraient toutes pu faire l’objet d’un film entier. Y a-t-il eu tentation de n’en traiter qu’une seule plutôt que de les aborder à la queue leu leu?
"Oui, j’aurais pu réaliser un film sur les OGM ou sur la mondialisation de l’agriculture. J’ai aussi hésité entre me concentrer sur les impacts sociaux et environnementaux et parler seulement des "alternatives", des solutions. En faisant les deux, le film va au-delà de la simple dénonciation."
Le projet Pas de pays sans paysans a nécessité quatre ans de travail. Parlez-nous un peu du processus qui a conduit à sa création.
"C’est ce qu’on appelle faire du documentaire d’auteur. Il y a un peu de missionnariat là-dedans (rires). Ça exige un don de soi qui va au-delà de ce que ton budget de tournage peut te permettre. Ce qui m’a avantagé, c’est que je suis aussi camérawoman professionnelle. Avant mes débuts en réalisation indépendante, j’ai commencé à travailler comme camérawoman et directrice photo pour diverses maisons de production. Ça m’a donné une souplesse et une capacité d’aller chercher sur le terrain une diversité de témoignages."
On s’attendrait à ce que le film, vu son parti pris engagé, suscite des émotions fortes telle la colère. Il donne aussi le moton, pardonnez l’expression…
"C’est pas un film racoleur. On parle de témoignages livrés par des gens vivants, réels, c’est pas des acteurs. Oui, ça va venir te chercher. La réalité dépasse souvent la fiction."
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