Zbigniew Rybczynski : Think Zbig
Cinéma

Zbigniew Rybczynski : Think Zbig

Le cinéaste Zbigniew Rybczynski sera de passage à la Cinémathèque québécoise où l’on présentera une rétrospective de ses œuvres. Entrevue avec le Méliès de l’ère numérique.

Pour bien des gens, le nom de Zbigniew Rybczynski semble peu familier. Pourtant, au milieu des années 80, ce cinéaste polonais, qui vit aujourd’hui à Los Angeles et qui se fait appeler Zbig, s’est fait connaître du grand public en signant de nombreux vidéoclips, notamment pour Art of Noise (Close to the Edit), John Lennon (Imagine), Lou Reed (The Original Wrapper) et Yoko Ono (Hell in Paradise), lesquels ont influencé, grâce à leur originalité déconcertante, des créateurs de génie tel Michel Gondry.

Les nostalgiques de cette époque seront servis puisque la Cinémathèque présentera, du 23 au 26 novembre, les meilleurs clips de Zbig, qui compte Norman McLaren parmi ses sources d’inspiration, ainsi que ses courts métrages. L’on pourra voir, entre autres, le chef-d’œuvre Tango dans lequel 26 personnages vaquent à leurs occupations dans une même pièce sans jamais se rencontrer. Notons également The Orchestra où Zbig illustre sur des airs classiques la décadence de l’homme, de même que sa dernière œuvre, Kafka. Le 26 novembre, Marco de Blois animera une classe de maître au cours de laquelle Zbig parlera de l’état de l’image en présentant des extraits de ses films.

LA SCIENCE DE L’ART

N’ayant pas tourné de films depuis 1992, Zbig, joint au téléphone, nous assure qu’il n’a pas chômé pour autant: "Depuis Kafka, je n’ai pas arrêté de travailler; j’ai fait beaucoup de recherche et d’expérimentation avec la nouvelle technologie numérique. Il faut beaucoup de temps pour arriver à maîtriser tout cela; c’est pour cela que j’ai étudié la programmation, il fallait que je comprenne tous les logiciels. J’ai aussi travaillé à créer de nouveaux logiciels pour tourner des films… c’est presque du travail de scientifique!"

Il y a 15 ans, un journaliste français vous faisait remarquer que vous étiez fasciné par la technologie; or, vous lui avez répondu qu’elle n’était qu’une entrave. Qu’en est-il aujourd’hui?

"J’ai toujours vu la réalisation comme quelque chose de semblable à l’improvisation musicale plutôt que de la considérer comme le simple fait de filmer en suivant les indications d’un scénario, changeant la caméra de place et l’intensité de l’éclairage à chaque plan. Le cinéma requiert un équipement et de nombreux outils spécifiques qui existent déjà, mais aucun ne facilite le tournage comme je l’imagine. J’ai eu la chance d’avoir des studios à New York, en Allemagne et maintenant à Los Angeles, mais le problème demeure que pour être à la fine pointe de la technologie, il faut de l’argent (rires). D’une part, je crois que presque tous les outils nécessaires existent déjà, mais parmi les problèmes auxquels les studios doivent faire face, il y a le fait de ne pas arriver à une synchronisation parfaite entre l’animation par ordinateur, l’optique et le mouvement. Durant les 10 dernières années, j’ai réussi à trouver des solutions à cela, je sais quoi faire, mais pour finaliser le tout, j’ai besoin d’un certain équipement pour lequel j’ai fait de nombreuses demandes de subventions… et j’attends toujours (rires). Être réalisateur est l’un des jobs les plus ennuyants au monde. Tout consiste à attendre, attendre, attendre… Je déteste ça! J’aimerais tant que ça décolle!"

Lorsque vous avez découvert la vidéo HD, vous avez immédiatement été séduit par cette technologie, contrairement à beaucoup de vos confrères; comment expliquez-vous cela?

"Au milieu des années 80, je ne connaissais pas du tout la vidéo HD jusqu’à ce qu’un producteur new-yorkais, qui avait rapporté cela du Japon, m’invite à une projection. Comme je suis arrivé en retard à la projection, je ne savais pas qu’il s’agissait d’un film en HD et j’ai été si impressionné par la qualité de l’image que j’ai cru qu’il s’agissait d’un film en 35 mm. Tout de suite, j’ai compris le potentiel du HD; à ma grande surprise – il y avait 50 ou 60 personnes à cette soirée -, la majorité a dit: "Et puis?" À l’exception de Jim Henson, qui s’était montré dans le temps intéressé par cette technologie, et aujourd’hui de George Lucas et de James Cameron, je crois que la plupart des réalisateurs ne s’intéressent pas au numérique tout simplement par paresse; ils n’ont pas du tout envie de réapprendre à tourner. Évidemment, il y a toujours l’argent… et le fait que beaucoup d’artistes et d’humanistes trouvent la technologie froide. Pour ma part, je vais continuer à me battre pour faire des films avec cette technologie, je n’abandonnerai pas! Ceci dit, je suis très positif face à l’avenir parce que la technologie ne peut pas régresser."

Rétrospective Zbigniew Rybczynski
Du 23 au 26 novembre
À la Cinémathèque québécoise
www.cinematheque.qc.ca