Paradise Now : Les hommes-bombes
Cinéma

Paradise Now : Les hommes-bombes

Avec Paradise Now, Hany Abu-Assad s’inspire d’une réalité tragique pour livrer un thriller sobre.

Dans un entretien avec Truffaut, Hitchcock expliquait qu’au lieu de créer un effet de surprise de 15 secondes avec une explosion, un cinéaste pouvait étirer le suspense en révélant au public le plus tôt possible qu’une bombe menace de sauter. Dans Paradise Now, la tension dure pendant presque tout le film, ce qui en fait un thriller insoutenable d’efficacité. Mais considérant le contexte sociopolitique déjà, hum! explosif de l’histoire, il est de mise de s’interroger sur la validité de tirer du divertissement de telles horreurs.

Saïd (Kais Nashef) et Khaled (Ali Suliman) sont deux Palestiniens qui ont grandi ensemble, endurant l’occupation israélienne et les conditions économiques précaires qui en découlent. Sous l’influence néfaste de barbus endoctrineurs, ils se font convaincre que "la mort est préférable à l’infériorité", puis un jour, on leur annonce qu’ils ont été choisis pour un double attentat suicide devant être exécuté le lendemain.

Le suspense grandit déjà alors que les jeunes hommes sont lavés, rasés et habillés de costumes noirs. Puis, dans une scène rappelant la Dernière Cène, ils partagent vin et victuailles avec une douzaine de "disciples" derrière une longue table. Peu de mots sont échangés, mais les acteurs communiquent beaucoup par le comportement respectif de chacun des personnages. On sent toute une vie de honte, de contradictions et de doute derrière le regard de Nashef, alors que Suliman cache ses insécurités derrière l’enthousiasme naïf d’un grand enfant.

Rivés sur nos sièges, nous observons Khaled et Saïd se faire couvrir d’explosifs puis être conduits aux alentours clôturés de Tel-Aviv. Les terroristes ont un plan méticuleux, mais un pépin se produit et les deux amis se retrouvent séparés. Et ici survient cette longue séquence hitchcockienne emplie d’une tension grandissante, alors qu’un homme vêtu d’une ceinture piégée menace de tout détruire autour de lui d’un moment à l’autre. Le coscénariste et réalisateur Hany Abu-Assad démontre une maîtrise totale du médium, multipliant les rebondissements et suivant l’action d’une caméra imperturbable.

Mais reste ce malaise face à un film qui fait d’une réalité tragique un thriller, aussi sobre soit-il. Un film peut-il à la fois faire réfléchir et exciter? Apparemment, oui. Politiquement nuancé, Paradise Now humanise les auteurs d’attentats suicide, sans justifier leurs actions; certes, on ne pourra reprocher à Abu-Assad d’avoir concocté un récit aussi intense.

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