Brokeback Mountain : Mon bel amour, ma déchirure
Cinéma

Brokeback Mountain : Mon bel amour, ma déchirure

Étiqueté à tort "western gay", Brokeback Mountain raconte la bouleversante histoire d’amour entre un cow-boy introverti et un gars de rodéo romantique dans les décors paradisiaques du Wyoming.

Lauréat du Lion d’or à Venise et en lice pour sept Golden Globes, Brokeback Mountain d’Ang Lee séduit tout sur son passage. Et pour cause. Celui à qui certains ne pardonnent pas encore son flirt avec Hulk, est de retour avec une œuvre d’une grande force, du même calibre que The Ice Storm, dans laquelle s’illustre avec réalisme l’Amérique. En fait, une vision plus réaliste que l’on retrouve chez la plupart des cinéastes américains. Une vision toutefois dénuée de jugement de la part de Lee, qui vit aux États-Unis depuis 1978.

Au départ, Brokeback Mountain est une nouvelle d’Annie Proulx, publiée dans le New Yorker en 1997. Un texte descriptif, précis, un style dépouillé d’où émane en toute subtilité le sentiment amoureux qui torture Ennis Del Mar (Heath Ledger, excellent), cow-boy introverti ayant été témoin d’un crime homophobe durant sa jeunesse, envers Jack Twist (Jake Gyllenhaal, très solide), un gars de rodéo romantique qui tentera durant plus de 20 ans de le convaincre de vivre leur amour au grand jour.

Cette subtilité des émotions, nous la retrouvons d’abord grâce au formidable scénario de Larry McMurtry et Diana Ossana qui ont saisi l’essence de la nouvelle sans la trahir, allant jusqu’à étoffer avec bonheur les personnages féminins, dont Alma, malheureuse épouse d’Ennis que campe avec une sensibilité remarquable Michelle Williams. Vient ensuite la touche d’Ang Lee qui, en donnant vie à une histoire qui n’est pas sienne, signe une envoûtante œuvre personnelle dans laquelle se reconnaît la finesse d’observation du réalisateur de Sense and Sensibility.

Sans doute l’une des plus belles – et plus tristes – histoires d’amour à avoir vu le jour au grand écran, Brokeback Mountain n’est pas à proprement dit un western, mais grâce à la superbe photo de Rodrigo Pietro (Amores Perros) et à la musique aux accents mélancoliques de Gustavo Santaolalla (The Motorcycle Diaries), une certaine nostalgie de l’Ouest se fait sentir. Bien que porté par une excellente rumeur, certains hésitent encore à l’idée de voir deux cow-boys s’embrasser à bouche que veux-tu. Souhaitons que plusieurs laissent leurs préjugés au vestiaire afin de se laisser emporter par l’un des plus grands films de l’année.