Joyeux Noël : Ô nuit de paix
Cinéma

Joyeux Noël : Ô nuit de paix

Joyeux Noël raconte comment, durant la Première Guerre mondiale, des soldats allemands, écossais et français ont fraternisé afin de célébrer Noël dans la paix. Un fait historique longtemps caché que nous font découvrir le réalisateur Christian Carion, Diane Krüger, Guillaume Canet et Daniel Brühl.

Décembre 1914. Dans le camp des Français, le lieutenant Audebert (Guillaume Canet) songe à sa femme qu’il a dû laisser dans leur petit village envahi par les Allemands. Du côté des Écossais, le père Palmer (Gary Lewis) s’est enrôlé afin de veiller sur son jeune aide à l’église. Célèbre ténor à l’opéra de Berlin, Nicolaus Sprink (Benno Fürmann) a dû lui aussi prendre le chemin des tranchées. La nuit de Noël, il surprend le lieutenant Horstmayer (Daniel Brühl) en emmenant au camp sa compagne, la cantatrice Anna Sörensen (Diane Krüger). Une apparition qui provoquera un miracle.

"En tant qu’Allemande, je reçois beaucoup de scénarios de films de guerre, généralement des rôles de nazies, raconte Diane Krüger, rencontrée lors de son passage au FIFM. Pour une fois, en voici un qui ne montre pas du doigt des partis; c’est un film qui raconte un fait historique, une très belle histoire. C’est plus un film sur la paix que sur la guerre, je trouvais cela magnifique."

Cette belle histoire de fraternisation, longtemps cachée par les historiens, Christian Carion (Une hirondelle a fait le printemps) l’a découverte en lisant, il y a une douzaine d’années, Batailles de Flandres et d’Artois 1914-1918 d’Yves Buffetaut: "Je suis né dans un pays qui a encore le souvenir de cette guerre, souligne le réalisateur, qui était également de passage pour le FIFM.

S’inspirant de faits historiques, Carion signe avec Joyeux Noël un drame de guerre où l’humour sert de contrepoint à l’émotion: "Pour moi, l’humour, c’est le sel de la vie. Quand j’ai découvert les faits de fraternisation, il y avait déjà des situations drôles, se rappelle Carion. Je me souviens de cet Allemand qui avait été garçon de café à Londres et qui a retrouvé ses clients dans les tranchées; à la blague, les Anglais lui demandaient de leur apporter de la bière sur le no man’s land. Tout cela, je trouvais cela drôle et cela me touchait aussi. Au-delà de la fraternisation, je devais aussi parler du quotidien des soldats; c’est en faisant mes recherches que j’ai découvert que pour tenir le coup, les soldats faisaient beaucoup de blagues. Je voulais que les clins d’œil des soldats soient dans le film, une façon de montrer leur courage."

Fortement documenté sur la guerre de 14-18, le cinéaste a cru bon, pour les besoins de la fiction, de créer une compagne au ténor. Carion se confesse: "Je vais être honnête avec vous: dans la première version du scénario, il n’y avait pas de femme du tout. Et puis après, je me suis dit: "Ouf! Filmer que des mecs pendant trois mois? Je n’y arriverai pas!" Ensuite, comme je ne voulais pas faire le coup de l’infirmière, j’ai créé un personnage de femme amoureuse, courageuse et égoïste, pour qui le couple est plus important que tout le reste. Après, je me suis renseigné et j’ai su qu’en 1914, il y avait une certaine perméabilité et que des femmes arrivaient à voir leurs hommes aux premières lignées; en 1915, ce n’était déjà plus possible parce qu’ils avaient compris la guerre."

Pour l’actrice allemande qui n’a tourné qu’en France (Mon idole de son conjoint Guillaume Canet) et aux États-Unis (Troy de Wolfgang Petersen), ce rôle lui permettait enfin de jouer dans sa langue maternelle: "J’avais un peu peur de jouer en allemand parce que j’ai quitté mon pays il y a 12 ans, donc, je parle très rarement allemand, sauf avec ma famille. Au début du tournage, j’avais un petit accent français; d’ailleurs, Benno et Daniel me disaient à chaque fois: "Eh la petite frappe, arrête!" Au bout d’une semaine, j’ai bien senti que c’était ma langue maternelle, car même si je suis à l’aise en français et en anglais, je me demande toujours si je prononce bien."

Afin d’incarner Anna, Krüger, danseuse de formation, a dû s’initier à la dure discipline du chant classique: "La danse nous apprend une certaine discipline, la patience et l’endurance, ce qui, dans la vie de tous les jours, est très utile. Pour Joyeux Noël, cette discipline m’a aidée pour le chant. […] J’ai dû travailler beaucoup avec mon corps afin d’être à l’aise; au début, lorsque je devais tenir une note très longtemps, je devenais bleue et je croyais que j’allais tomber dans les pommes. Disons que j’ai beaucoup de respect pour les chanteuses d’opéra, car c’est un métier très difficile… et aussi très plaisant!"

DES HOMMES D’HONNEUR

Dès sa sortie sur les écrans français, Joyeux Noël a séduit les spectateurs. Rencontré à Cannes, Guillaume Canet, qui a été tout aussi charmé par ce beau récit, explique comment Carion a su partager sa passion pour ce chapitre inconnu de l’histoire: "J’ai lu beaucoup de livres que Christian m’avait suggérés, dont un très beau livre en particulier, Les Carnets de guerre de Louis Barthas. J’ai également lu beaucoup de lettres de soldats français, anglais et allemands; ce que je trouvais intéressant, c’était d’y retrouver leurs peurs, leurs doutes et la façon dont ils vivaient cette guerre. Il faut comprendre que cette guerre était une vraie boucherie; en moins de 10 minutes, des centaines d’hommes pouvaient être tués. Personne ne peut imaginer ce que ces soldats ont vécu… En voyant Daniel en costume la première fois, j’ai réalisé l’horreur qu’ont dû vivre ces jeunes gens qui devaient tuer des hommes semblables à eux afin de survivre."

À l’instar de sa compatriote, qui avouait lors de la présentation du film au FIFM que Carion était le seul réalisateur à pleurer à chaque prise, Daniel Brühl, également rencontré au Festival de Cannes, a beaucoup apprécié de tourner sous la direction de ce dernier: "Christian est un réalisateur très sensible et très émotif, deux qualités que n’ont pas nécessairement tous les cinéastes. Par exemple, Wolfgang Becker, qui est tout à fait à l’opposé de Christian Carion, est très précis, sévère. J’ai appris beaucoup des deux – on apprend toujours des gens que l’on rencontre -, mais je ne saurais expliquer quoi au juste puisque c’est si abstrait. Je dirais que chaque film ressemble à son réalisateur, et dans Joyeux Noël, on ressent toute la sensibilité de Christian", conclut la star de Good Bye Lenin!

Voir calendrier Cinéma