Hostel : Gore, gore, gore
Hostel, d’Eli Roth, raconte comment des vacances en Europe de l’Est peuvent tourner en un cauchemar sanglant. Interview avec le sympathique réalisateur rencontré à Toronto.
Surnommé le "futur de l’horreur" par Quentin Tarrantino, qui agit ici à titre de producteur exécutif, Eli Roth a conquis le monde en 2002 avec Cabin Fever, petit film d’horreur sans prétention s’inscrivant dans la tradition des slasher movies, à la différence près que l’assassin au couteau était remplacé par une terrible maladie de peau. Cette fois, il récidive dans la même veine en nous proposant le récit de deux Américains, Paxton (Jay Hernandez) et Josh (Derek Richardson), et d’un Islandais, nommé Oli (Eythor Gudjonsson), à la recherche de plaisirs charnels lors de vacances à Amsterdam.
Peu après s’être rendus tous trois dans un hôtel de Bratislava où l’on raconte que les filles craquent pour les étrangers, Oli et Josh disparaissent mystérieusement après avoir passé une nuit torride avec des créatures de rêve. Persuadé que la belle Natalya (Barbara Nedeljáková), son escorte d’un soir, n’est pas un ange, Paxton décide d’enquêter. Ses recherches le mèneront vers un horrible musée de la torture.
Peu après s’être rassasiés de sang avec le récent Wolf Creek de l’Australien Greg McLean, les fanas d’horreur seront servis à souhait avec Hostel où Roth leur offre sur un plateau d’argent des litres d’hémoglobine et des lambeaux de chair dégoulinante. Alors que les volets de Saw débutaient dans l’horreur, Hostel commence plutôt à la manière d’un banal film d’ados en manque de sexe, ce qui a pour effet d’augmenter la tension chez le spectateur avide de gore. Si celui-ci devra s’armer de patience, Roth prenant son temps pour installer une atmosphère glauque, laquelle n’est pas sans rappeler celle de Se7en, il ne sera certes pas déçu devant l’avalanche d’effets-chocs et de séances de torture, à faire frémir le plus cruel des bourreaux, sorties tout droit de l’imagination délirante du scénariste-réalisateur.
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Seriez-vous un romantique qui regrette l’époque où les gens n’avaient pas besoin d’un ordinateur pour communiquer les uns avec les autres?
"C’est incroyable, aujourd’hui, personne n’échange son numéro de téléphone, mais tout le monde communique par courriel. Ce qui est étrange, c’est que tous les gens communiquent entre eux tout en étant complètement déconnectés les uns des autres. Le film porte sur l’exploitation, sur ce que les gens font subir aux autres; par exemple, il y a ces trois gars à Amsterdam qui regardent les prostituées comme si elles étaient des morceaux de viande. En fait, ils ne veulent pas vraiment rencontrer de filles, mais vivre des histoires; Amsterdam devient donc pour eux un Disneyworld pour adultes. Chacun devient l’objet de l’autre, mais il y a un prix à payer pour cela…"
Comme le démontrent Cabin Fever et Hostel, vous semblez fasciné par la chair…
"En tournant Hostel, j’ai demandé à mon frère si je n’étais pas en train de faire le remake de Cabin Fever. J’imagine qu’il y a des thèmes qu’on ne cesse jamais d’exploiter, qui ne cessent de nous hanter. Assurément, la chair doit me fasciner: Cabin Fever traitait des relations par l’illustration de la chair qui se désagrège, mais Hostel traite de la chair d’une autre façon. D’une part, je voulais traiter du fantasme. Aux États-Unis, il n’y a pas tant de gens que cela qui voyagent; il y a donc des jeunes hommes qui s’imaginent que l’Europe est peuplée de jeunes filles qui ne demandent qu’à avoir des aventures avec des Américains. C’est sûrement à cause de la pornographie provenant d’Europe de l’Est; c’est triste puisque l’on y retrouve une grande culture, des gens extraordinaires."
Comment vous est venu le récit de Hostel?
"Ce qui m’a entre autres inspiré, c’est une histoire parue dans le New York Times à propos de jeunes Ukrainiennes, qui après avoir répondu à une petite annonce pour devenir serveuses dans un bar, avaient été forcées de se prostituer par des mafieux russes; on les avait fait passer de la Tchécoslovaquie jusqu’à Jérusalem, où elles se prostituaient sept jours par semaine, enfermées dans leur chambre d’hôtel. Si elles se plaignaient à la police, elles étaient renvoyées à la mafia russe; si elles tentaient de retourner chez elles par elles-mêmes, elles risquaient d’être décapitées en public par la mafia russe. Comment peut-on survivre à une telle expérience? Comment réagirait-on si l’on était témoin d’une telle chose? À quoi peuvent penser ces hommes d’affaires qui les exploitent? Je voulais également parler de l’effet du capitalisme dans les pays communistes ainsi que de ce qui pourrait arriver à des gens qui vivent dans des pays plus libéraux, telle la Hollande, et qui chercheraient de nouvelles sensations."
Vouliez-vous mettre en garde les gens contre l’esclavage sexuel?
"Non, pas du tout. Je voulais faire un film d’horreur; si les gens veulent voir un film sur ce sujet, ils n’ont qu’à voir Human Trafficking de Christian Duguay. Je crois que les gens vont voir des films d’horreur pour être effrayés seulement. On peut faire des films sur des sujets qui nous font peur avec différents niveaux d’interprétation, mais je n’aime pas qu’on nous fasse la morale sans aucune subtilité… C’est pour cela, par exemple, que j’ai détesté Crash de Paul Haggis. J’aime les films qui vieillissent bien; je voulais faire un film que les gens pourraient regarder encore dans une trentaine d’années."
Votre film rappelle d’ailleurs les films d’horreur des années 1970.
"Cabin Fever était ma réflexion sur le cinéma d’horreur américain des années 1970, j’en conviens; avec ce film, j’ai fait le tour des festivals et c’est alors que j’ai découvert des films comme Sympathy for Mr. Vengeance de Chan-wook Park, Audition de Takashi Miike… Et là, tu te dis: "Oh! Mon Dieu! C’est là que ça se passe!" En Asie, on fait des films d’horreur pour adultes très effrayants, sans chercher à plaire à un large public, et c’est ça que je veux faire: secouer la baraque!"
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