Samuel Beckett, Les Nouveautés de l'ONF au Saguenay : Un mystère nommé Beckett
Cinéma

Samuel Beckett, Les Nouveautés de l’ONF au Saguenay : Un mystère nommé Beckett

Samuel Beckett est né en 1906; cette année marque donc le 100e anniversaire de sa naissance.

Un des grands dramaturges du XXe siècle, Samuel Beckett, avec la haute stature à tête grisonnante qu’on lui connaît, se dresse devant la postérité, mystérieux. Ou plutôt, bâtit un rempart de son œuvre, derrière laquelle il a toujours tenu à rester effacé, préférant la solitude, la compagnie de ses intimes, le secret de sa vie privée à toute la célébrité que lui apportèrent, assez tardivement, ses œuvres: la publication, après de nombreux refus, de sa trilogie romanesque (Molloy et Malone meurt en 1951, L’Innommable en 1953); le succès énorme, inattendu d’En attendant Godot en 1953; le prix Nobel de littérature, en 1969. En tout, une cinquantaine de titres, romans, nouvelles, pièces (Fin de partie (1958), Oh les beaux jours (1961)) ou textes divers, publiés avec régularité jusqu’à sa mort, en 1989.

Beckett a bâti une œuvre lucide, exigeante, d’une construction rigoureuse, poussant toujours plus loin une réflexion, ou plutôt un constat: celui du caractère absurde de la vie et du monde. Là où, pour les existentialistes, cet absurde débouche sur un engagement qui, seul, donne un sens à l’existence, chez Beckett, cette conscience aboutit à l’expression, écrit Martin Esslin, d’une "profonde angoisse existentielle qui est la dominante de [son] œuvre". On associe souvent les pièces de cet écrivain irlandais au Théâtre de l’absurde. Bien qu’il ait toujours refusé les étiquettes, il n’en partage pas moins avec les auteurs qu’on y classe (Ionesco, Genet, Adamov, Pinter) – jamais associés en école ou mouvement -, certains thèmes et éléments formels.

Dans ses romans d’abord, dans son théâtre ensuite, Beckett "n’a pas cessé de radiographier la misère humaine" (André Clavel). De l’errance et de la solitude des personnages de ses premiers romans jusqu’au dénuement le plus poussé, résultant finalement en la négation de l’œuvre elle-même, il est allé jusqu’au bout du roman. Par le théâtre, entre ensuite dans son œuvre "une respiration"; cette ouverture, présente dans En attendant Godot, s’y accompagne de fraternité, de tendresse. À mesure que Beckett avance dans son œuvre théâtrale, le même dénuement, la même déconstruction que celle présente dans le roman apparaît: le langage, d’abord divertissement, au sens pascalien, moyen de meubler le vide et donc, d’exister, se dérègle peu à peu jusqu’aux onomatopées, aux respirations, et enfin à la parole désincarnée. Il a poussé, ici aussi, jusqu’au dépouillement, jusqu’au silence les échanges.

EN ATTENDANT GODOT

Sur le bord d’une route, dans une sorte de "no man’s land", Vladimir et Estragon, deux clochards, attendent. Godot doit venir les rencontrer. Mais qui est-il? Viendra-t-il? Est-ce vraiment le bon endroit?… Autant de questions sans réponse pour les deux amis, unis comme un vieux couple, se querellant, dépendant l’un de l’autre. S’inventant mille riens pour meubler le désert de leur attente, toujours recommencée, image de la vie elle-même. (Marie Laliberté)

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L’ONF mobilise

Les Nouveautés de l’ONF, c’est 10 soirées de diffusion gratuites qui sont offertes aux cinéphiles de la région.

Michka Saäl, réalisatrice de Les Prisonniers de Beckett.
Photo: Thierry Delor

On peut attendre qu’il vienne. Le bonheur. Le destin. Dieu, peut-être. Attendre, et s’ankyloser jusqu’à être prisonnier de ce corps lourd et amorphe. Et on peut donner un bon coup de pied dans les poubelles, quitter la scène, se libérer.

Pour la neuvième édition des Nouveautés de l’ONF au Saguenay, qui se tiendra du 23 janvier au 14 février, les organisateurs n’ont pas manqué leur chance de participer à la commémoration du prix Nobel de la littérature, Samuel Beckett. Le film Les Prisonniers de Beckett, de la réalisatrice Michka Saäl, fait partie des films coups de cœur compris dans la programmation. Des prisonniers ayant monté la pièce En attendant Godot en profitent pour s’évader, ayant refusé l’immobilité.

En tout, c’est 10 soirées de diffusion gratuites qui sont offertes aux cinéphiles de la région. Plusieurs documentaires engagés, qui ont la cote chez nous, font partie de la programmation, dont Le Prix de la paix, qui s’intéresse au pouvoir de l’ONU quant au problème de la guerre civile au Congo, Le Méchant Trip, qui suit un couple de jeunes marginaux dans un difficile périple dans l’Ouest, et Les Origines du SIDA, qui sait inoculer le doute quant aux mystères entourant l’émergence de cette maladie…

Lors de chaque projection, les échanges seront stimulés par la présence de spécialistes ou de gens ayant vécu de près la problématique des films. Parce qu’en faire le visionnement cherche à provoquer l’impulsion qui pousse à l’action. Contre l’inanition, que cesse l’attente qui engourdit. (Jean-François Caron)