Transamerica : Ma vie en rose
Cinéma

Transamerica : Ma vie en rose

Dans Transamerica, road movie de Duncan Tucker, Felicity Huffman éblouit la galerie dans la peau d’une transsexuelle. Entretien avec le réalisateur et l’actrice.

Au Festival de Toronto, un journaliste américain qui n’avait jamais regardé la populaire télésérie Desperate Housewives s’est exclamé en rencontrant l’excellente comédienne Felicity Huffman: "Mon Dieu! Mais vous êtes une femme!" C’est dire à quel point l’actrice s’est donnée corps et âme afin d’entrer dans la peau de Bree, transsexuelle qui, à quelques jours de son opération, apprend qu’elle a un fils de 17 ans, Tobie (Kevin Zegers).

Road movie tantôt cocasse, tantôt émouvant, Transamerica met en scène deux êtres marqués par des événements troublants de leur jeunesse et qui apprendront à faire connaissance lors de leur périple – lequel nous paraîtra par moments un peu long – les menant de New York à la Californie: "Je me suis toujours intéressé aux laissés-pour-compte, d’expliquer le réalisateur Duncan Tucker, rencontré lors du Festival de Toronto, parce que je crois que chacun de nous se sent ainsi jusqu’à un certain point. Je me suis demandé qui pourrait se sentir le plus seul et c’est alors que je me suis lié d’amitié avec une femme qui, au bout de trois mois, m’a révélé qu’elle était une transsexuelle. Je n’en revenais pas! Ses récits, drôles et tristes, m’ont tellement touché que j’ai eu envie d’en traiter. Il y a tant de pudeur encore de nos jours, ces gens sont vus comme des pestiférés. Cela dit, ce n’est pas un film gay, ni sur la transsexualité, mais l’histoire d’un parent et de son enfant, un récit sur l’acceptation de soi."

Évitant le traitement caricatural et le grotesque, Tucker trace un portrait sensible d’une âme écorchée à la recherche de sa dignité: "J’ai réellement souhaité qu’une femme incarne Bree, poursuit le cinéaste, car après plusieurs années de thérapie hormonale, d’électrolyse et son opération, une transsexuelle devient une femme. Je ne voulais donc pas montrer ce qu’elle laissait derrière, mais plutôt ce à quoi elle aspirait. Ces femmes ne ressemblent peut-être pas à Audrey Hepburn, mais elles ne ressemblent surtout pas à des hommes en robe. Aussi, transsexualité et homosexualité ne vont pas nécessairement ensemble; les transsexuelles sont pour la plupart d’entre elles hétérosexuelles. C’est donc un film sur l’identité, non sur la sexualité."

En plus des suggestions qui apparaissent grâce à la garde-robe aux tons de rose, de lilas et de lavande de Bree, imaginée par Danny Glicker, Felicity Huffman s’est livrée à plusieurs recherches puisqu’elle ne connaissait rien à l’univers des transsexuels: "Ce qui nous intéresse d’abord dans une bonne histoire, raconte l’actrice également rencontrée à Toronto, c’est de pouvoir établir des rapports avec la vérité de l’âme. Avant de m’attaquer à la présence physique, je devais comprendre les émotions que Bree traversait; par la suite, j’ai lu des biographies et tous les articles que je pouvais trouver sur Internet. J’ai lu chaque page du scénario en compagnie de deux transsexuelles merveilleuses à qui j’ai posé toutes sortes de questions à propos de leur vie; j’ai aussi assisté à des congrès de transsexuels où j’ai pu me livrer à plusieurs entrevues. J’ai aussi eu la chance de travailler avec une femme qui enseigne aux hommes à trouver leur voix féminine. Étonnamment, l’exercice s’est avéré un voyage de féminisation pour moi, et trouver la voix de Bree a vraiment été l’élément clé."

Méconnaissable sous son épais maquillage et sa chevelure brune, Felicity Huffman incarne une transsexuelle plus vraie que nature avec sa voix à la fois douce et grave, ses gestes gauches et féminins, sa démarche chaloupante parfois hésitante. Tout dans son apparence et son attitude trahit le douloureux cheminement de cette femme qui a vécu trop longtemps dans son corps d’homme. En somme, un rôle en or pour une actrice qu’on ne voit pas assez au grand écran, mais qui aurait pu facilement échouer à un acteur: "Je n’étais pas offensée du tout de me voir offrir ce rôle généralement tenu par un homme, de confier Huffman, qui n’a rien de masculin. Au contraire, j’étais honorée, mais je dois dire que j’étais aussi effrayée! Lorsque j’ai décroché le rôle, j’ai appelé Duncan pour lui dire: "Merci beaucoup! Je suis tellement excitée, je suis impatiente, mais vous devriez me mettre à la porte et engager un homme!" Il m’a alors répondu: "Ce n’est pas ce qui est sous ta jupe qui importe, mais ce qui est dans ton cœur, et je crois que tu as le talent de comprendre la nature du personnage."" Voir évoluer Huffman dans Transamerica prouve qu’il avait bien raison.

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