Que Dieu bénisse l'Amérique : L'homme à fable
Cinéma

Que Dieu bénisse l’Amérique : L’homme à fable

Avec Que Dieu bénisse l’Amérique, Robert Morin adopte la position du fabuliste onirique. Comme du La Fontaine sous  acide.

Le ton est donné d’entrée de jeu. Jetant son ombre imposante sur un décor de banlieue rendu en miniature, un personnage campé par Gildor Roy commente de façon cryptique quelque drame dont on ignore pour l’instant les tenants et aboutissants. Cette séquence surréaliste contient le trousseau de clés nécessaires à ouvrir quelques-unes des portes de Que Dieu bénisse l’Amérique. Un sésame pour aider à "catcher" le registre du long métrage. Un autre pour aller au-devant du dénouement, qui passe sous nos yeux trop tôt pour produire son sens. De toute façon, on y reviendra.

Et c’est parti. Direction la couronne nord. La caméra se pose sur un environnement architecturalement morne. Un bout de rue lavallois où, en ce petit matin ensoleillé du 11 septembre 2001, les résidents dorment encore. C’est le devoir qui tire Maurice Ménard (Gildor Roy) et Sylvain Sigouin (Patrice Dussault) de leur lit douillet. Les deux policiers sont appelés sur les lieux d’un crime commis, selon toute vraisemblance, par un tueur à la chaîne s’attaquant aux prédateurs sexuels.

On se demande si ce n’est pas ce même assassin qui, se posant en oracle exterminateur, afficherait un peu partout dans le quartier une liste d’agresseurs fraîchement sortis de taule. Ses prochaines victimes? Si c’est le cas, Pierre St-Rock (Sylvain Marcel) devra marcher les fesses serrées, lui dont le ciboulot figure sur le tableau de chasse.

Lancé sur la (fausse et plate) piste d’une série de meurtres à élucider, Que Dieu bénisse l’Amérique s’intéresse moins au mystère régnant qu’aux acteurs qui en font les frais. De fait, c’est principalement dans le travail de caractérisation des héros, très soigné, que le long métrage trouve son sel. Sur la liste des présences de ce film choral, on soulignera au marqueur le nom de Gaston Lepage, brillant en horticulteur zen et castré. Sylvie Léonard, en mode "beauté désespérée", fait également bonne figure.

Malgré le drame final annoncé dès le départ, Que Dieu bénisse l’Amérique trouve sa conclusion dans un épilogue optimiste. Le déroutant finish, posé en "morale de cette histoire", annonce que le bon voisinage est essentiel à notre santé sociale. Émis par un réalisateur qui aimait à manger du prochain, le message acquiert une force troublante.

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