Le Promeneur du champ de Mars : La dernière conversation
Le Promeneur du champ de Mars, de Robert Guédiguian, met en scène l’extraordinaire Michel Bouquet dans le rôle de François Mitterrand au seuil de la mort.
En signant Le Promeneur du champ de Mars, Robert Guédiguian et son coscénariste Gilles Tauraud ne prétendent pas à la vérité puisque le livre dont ils s’inspirent, Le Dernier Mitterrand, est lui-même une interprétation subjective des faits. Par ailleurs, cette biographie de Georges-Marc Benamou, ex-rédacteur en chef du magazine Globe personnifié avec conviction par Jalil Lespert, a fait scandale lors de sa sortie en janvier 1997, soit un an après la mort de Mitterrand, notamment à cause d’un passage où l’ex-président se délecte d’ortolans, espèce en voie de disparition, lors d’un réveillon.
Délaissant pour la première fois ses acteurs fétiches et le Midi, Robert Guédiguian ne fait ni le procès du journaliste ni celui du politicien. Empreint d’émotion retenue, Le Promeneur relate les derniers jours d’un grand homme, qui se livre à de magnifiques réflexions sur la vie et la mort. En résulte un tête-à-tête fait de répliques si bien ciselées qu’elles donnent envie de revoir ce film comme on a envie de relire un recueil de grandes pensées.
L’une des grandes qualités du Promeneur du champ de Mars est d’éviter les excès propres au genre biographique. Ainsi, le réalisateur de Marius et Jeannette ne nous convie en aucun temps à un déboulonnage en règle d’un monument historique, pas plus qu’à une complaisante béatification d’un personnage politique. On effleure la vie personnelle de Mitterrand, on évoque son passé de résistant, mais c’est d’abord l’esprit de l’homme (et ses contradictions) que l’on salue avec respect.
Pour sa part, Michel Bouquet ne tombe ni dans la caricature ni dans la plate imitation; à l’instar d’un Hopkins (Nixon), d’un Ganz (La Chute) ou d’un Seymour Hoffman (Capote), l’extraordinaire acteur octogénaire s’efface derrière l’homme et compose avec une sensibilité remarquable un personnage plus vrai que nature. Toujours digne devant la mort, son Mitterrand est tour à tour suave, incisif et fragile. Du grand art.
Enfin, ceux qui connaissent très bien l’ex-président de la République française trouveront certes à redire de ce film; ceux qui ne connaissent que vaguement le politicien y découvriront un homme remarquable mais non sans défaut.
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