Metal: A Headbanger’s Journey : La musique du diable
Dans Metal: A Headbanger’s Journey, deux jeunes cinéastes canadiens circonscrivent brillamment l’univers de la musique heavy métal. Rencontre avec ces "enfants de la bête".
Démoniaque, sexiste, violente. La musique heavy métal a sale réputation. À tort ou à raison? L’excellent documentaire Metal: A Headbanger’s Journey tranche la question. Réalisé par les jeunes cinéastes – et fans finis – Sam Dunn et Scot McFadyen (avec l’aide de Jessica Joy Wise), le film propose un tour d’horizon exhaustif d’une sous-culture musicale importante mais largement ignorée du grand public. Solidement documentée, la démarche des réalisateurs repose sur une grille d’analyse méthodique (Dunn a fait son doctorat en anthropologie). Appelant à la barre quantité de témoins convaincants et convaincus (musiciens, critiques, musicologues, fondus…), Dunn et McFadyen brossent un portrait certes intéressé, mais pas moins pénétrant pour autant. De passage à Montréal lors du dernier FNC, Sam Dunn et Scot McFadyen ont "fait face à la musique", comme on dit dans la langue d’Ozzy.
Vous vous attaquez à bon nombre de légendes urbaines et de mythes attachés au genre. Était-ce là votre intention première?
Sam Dunn: "Je crois plutôt que ce déboulonnage de stéréotypes est le résultat d’une démarche visant à expliquer pourquoi cette musique polarise l’opinion des gens. C’était là notre véritable idée maîtresse…"
Scot McFadyen: "Dire pourquoi on réagit de manière aussi forte à la musique heavy métal…"
S.D.: "Oui. En répondant à cette question, on en est venu à comprendre pourquoi cette musique est stéréotypée, pourquoi les gens en ont peur. Au fond, je me porte à la défense du genre. En tant que fan, je ne pouvais pas faire autrement."
Qu’est-ce qui fait la singularité de la sous-culture heavy métal? Vous dites notamment que c’est le fait qu’elle table sur les peurs des gens. Y a-t-il d’autres caractéristiques qui la distinguent?
S.M.: "Si on la compare à la sous-culture punk, qu’on peut considérer comme sa petite cousine politiquement engagée, on remarquera que la sous-culture métal relève du domaine de l’émotion. L’aspect rébellion n’en est pas exclu, mais il s’agit d’une rébellion émotive. C’est ma petite opinion, basée sur de nombreuses années d’observation (rires)…"
S.D.: "Il y a peut-être aussi le fait que le punk, plus direct dans ses mots, dans son message, facilite l’identification. Le métal, plus viscéral et émotif, riche sur le plan métaphorique, rend le message encore plus menaçant."
Vous nous montrez clairement d’où vient le métal. Vous êtes-vous demandé où il s’en allait?
S.M.: "C’est le sujet de notre prochain film. Sam s’en va finir son doctorat, qui portera sur la mondialisation du heavy métal. On va le suivre lors de ses recherches sur le terrain. On ira au Brésil, en Indonésie, en Israël, en Russie et au Maroc. En Égypte, aussi, possiblement. On veut explorer la question suivante: est-ce que le métal contribue à l’homogénéisation de la culture?…"
S.D.: "Et voir comment une sous-culture peut s’exporter, s’étendre, sans perdre son identité, ses racines."
Quel impact ont les nouveaux moyens de diffusion de la musique – partage en ligne, baladodiffusion, etc. – sur la musique heavy métal?
S.D.: "La scène underground métal profite grandement de la révolution numérique. Dans le temps, on troquait des cassettes mal enregistrées. Aujourd’hui, c’est différent. L’accès est facilité, la diffusion aussi."
S.M.: "Mais ce n’est pas exclusif au métal. On peut dire la même chose du rock indépendant. On est moins dépendant des anciens canaux de distribution, c’est tout."
L’arbre généalogique du heavy métal semble compter d’innombrables ramifications. En cela, le genre participe de cette tendance à fragmenter la musique en toutes sortes de catégories. Que révèle cette propension à l’étiquetage?
S.D.: "L’arbre généalogique du heavy métal est un arbre très complexe mais dont toutes les ramifications tiennent aux mêmes racines: Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple… Quant au besoin de catégoriser, d’aborder les choses de manière "scientifique", c’est, je crois, un besoin propre à l’adolescent de sexe masculin. […] Il importe de délimiter un territoire. Parce qu’une sous-culture, en quelque sorte, doit exclure les autres. Es-tu métal ou non?"
S.M.: "On peut observer la même chose au sein de l’Église catholique (rires). Il y a les jésuites, et ainsi de suite… toutes sortes de petites branches catholiques où se percher […]. La version DVD (du film) inclura un arbre généalogique interactif. En cliquant sur le nom d’un groupe, par exemple, on pourra avoir accès à de la documentation, à des entrevues."
S.D.: "Je suggère qu’on lance aussi des aimants magnétiques pour le frigo. Ainsi, chacun sera libre d’organiser les catégories à sa guise. Il y aurait des aimants vierges pour créer de nouveaux sous-genres, comme le polka métal québécois (rires)…"
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