De ma fenêtre, sans maison… : Tout sur ma mère
Cinéma

De ma fenêtre, sans maison… : Tout sur ma mère

Dans De ma fenêtre, sans maison…, Maryanne Zéhil s’intéresse au statut de la femme dans les sociétés libanaise et québécoise.

Dounia (Renée Thomas), jeune femme libanaise, se rend à Montréal pour rencontrer sa mère Sana (Louise Portal), qui l’a abandonnée alors qu’elle était enfant. Pourra-t-elle pardonner à cette mère qui lui a préféré une vie plus libre? Et est-ce que la mère pourra se réconcilier avec cette fille qui lui rappelle ce pays qu’elle a voulu fuir? Voilà certaines des questions que soulève Maryanne Zéhil dans De ma fenêtre, sans maison…, son premier long métrage fait avec des moyens limités, mais non inintéressant. On pourrait s’étendre sur les maladresses de mise en scène et sur l’inégalité du jeu des actrices (Portal semble changer d’accent à toutes les scènes). Mais n’est-il pas préférable de s’attarder aux éléments plus réussis? On pense aux scènes tournées dans la lumière éblouissante du Liban, aux divisions et aux liens qu’on découvre entre les générations de femmes, et à ce regard critique mais affectueux que porte Zéhil sur la culture libanaise et sur celle du Québec.

Certes, les intentions de la cinéaste sont parfois plus admirables que leur exécution, mais c’est tout de même un premier effort respectable, qui de plus ne se prend pas trop au sérieux: "Par moments, confirme Zéhil, la salle [aux Rendez-vous du cinéma québécois, dont De ma fenêtre, sans maison… était le film de clôture] éclatait de rire et j’aimais ça. J’avais peur que, vu que c’est un sujet dramatique, les petites touches d’humour ne passent pas très bien, mais c’est passé comme une lettre à la poste."

Les personnages secondaires semblent particulièrement caricaturaux, notamment Hoda, l’amie de la mère.

"C’est un personnage qui pour moi est tragicomique. C’est une dame qui n’a jamais pu s’adapter à sa société d’accueil et qui n’a jamais pu être acceptée dans sa société d’origine. Elle est complètement perdue entre deux mondes. Elle a donc cet aspect très léger, elle boit, elle ronfle, elle mène une vie un peu terre à terre pour essayer de dépasser le tragique. Il y a des gens qui vivent des choses tellement difficiles que pour essayer d’éviter la peine que cela peut leur causer, ils vont basculer dans la légèreté, le superficiel. C’est comme une fuite."

La caricature est encore plus poussée dans le cas de Sylvie, la serveuse jouée par Mariloup Wolfe. Ce n’est pas une belle image de la jeune Québécoise.

"D’abord, c’est une jeune fille, c’est sûr que les grandes préoccupations philosophiques ne l’intéressent pas. Mais c’est une fille qui vit bien avec son corps et sa jeunesse. C’est quelqu’un qui touche à l’essence de la vie plutôt que de se prendre la tête. La Libanaise, par contre, en est obligée. Elle a été abandonnée par sa mère, elle a vécu dans un pays en guerre… La rencontre avec Sylvie va en quelque sorte l’aider à se sortir de son drame."

Mais la fin demeure ouverte…

"J’aime beaucoup garder les interprétations ouvertes. Par exemple, quand Sana entre dans la mer et fait la position de la croix sur le dos, pour moi c’est une mort. Pour beaucoup de personnes, c’est une naissance. Ça dépend des gens qui vont le voir."

On retrouve aussi cette position dans la fameuse scène de sexe oral entre la mère et son petit ami.

"Les femmes libanaises d’aujourd’hui ont un seul but: se marier et pondre des enfants. Sana refuse d’être cette mère que tout le monde veut absolument qu’elle soit. Elle fait un grand sacrifice, celui de laisser sa fille au Liban, elle vient s’installer ici et elle se choisit en tant que femme. Elle vit une sexualité qu’une mère libanaise n’aurait pas vécue. Voilà pourquoi cette scène où on la voit jouir, c’est un peu la mort en même temps. Dès qu’une femme dans ces pays-là décide de s’épanouir et de vivre librement, c’est un peu comme un chemin de croix."

On n’apprend presque rien sur le père, alors qu’on imagine que l’influence des hommes doit être forte au Liban, non?

"En fait, ce sont des sociétés matriarcales. C’est un peu étonnant, mais dès que vous franchissez le seuil d’une maison, c’est la femme qui régit tout. L’homme n’a même pas le droit d’entrer dans la cuisine ou de s’occuper de l’éducation des enfants. C’est la mère qui décide de tout, même si le père est présent."

En somme, que retirez-vous de cette première expérience?

"Ça m’a permis de mieux connaître la société québécoise et la société libanaise. Ça m’a permis de mieux me situer. Ce fut une expérience édifiante dans ma vie."

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