Va, vis et deviens : Le fils
Va, vis et deviens, de Radu Mihaileanu, raconte l’exode des Juifs africains à travers le récit d’un jeune chrétien. Entretien avec le réalisateur lors de son passage au Festival de Toronto.
Grâce au bouleversant et magnifique Va, vis et deviens, Radu Mihaileanu (Train de vie) dévoile un pan peu connu de l’histoire juive, l’Opération Moïse de 1984-1985 voulant que des milliers d’Éthiopiens réfugiés au Soudan soient rapatriés en Terre sainte, par le biais du récit d’apprentissage d’un jeune garçon sacrifié par amour par sa mère.
Afin de sauver son fils de la famine, une Soudanaise chrétienne confie son fils de neuf ans à une Éthiopienne qui doit s’exiler en Israël. Arrivé à Tel-Aviv, le gamin est adopté par une famille de juifs sépharades. Grâce à sa mère adoptive (Yaël Abécassis), Schlomo réussira à s’adapter à sa nouvelle vie, sans jamais vaincre sa peur d’être démasqué ni l’espoir de retrouver sa vraie mère.
Récit du déracinement et de l’identité, Va, vis et deviens s’avère un drame prenant où l’émotion s’illustre avec retenue: "J’ai appris à connaître les Éthiopiens pendant cinq ans, en faisant mes recherches, se souvient le réalisateur; parmi les caractéristiques que je voulais donner dès le début du film, c’était la pudeur et la dignité. Selon moi, ce sont ces deux qualités qui donnent à ce peuple sa grandeur."
Outre cette sobriété des émotions, le réalisateur a également eu l’audace de centrer l’action autour d’un personnage presque silencieux: "Je voulais montrer qu’un enfant vivant un tel traumatisme s’enferme dans le mutisme, poursuit le cinéaste. Par la suite, Schlomo a quelque chose de plus que les autres enfants, il est en situation de survie. Il doit agir rapidement pour ne pas être démasqué; ses sens sont donc très éveillés. Il est obligé d’épouser l’identité des autres et ça, c’est mon point de vue sur notre monde moderne: aujourd’hui, on a tous des identités de départ et on n’a plus qu’un choix, soit de s’enrichir au fil des identités des autres, sans trahir sa propre identité, comme le fait Schlomo."
Au-delà du drame de Schlomo, c’est toute la force de la fierté d’être Juif qui émane de Va, vis et deviens, mais aussi, l’antisémitisme dont ont été victimes les Éthiopiens.
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