Tommy Lee Jones : Cantique des plaines
Qui a peur de Tommy Lee Jones? Avec la réputation qu’on lui connaît, bien des journalistes le craignent. Et pourtant, le fier Texan, couronné à Cannes, s’est montré des plus affables pour nous entretenir de la mort, de la rédemption et du western. Amen.
Peu après que Tommy Lee Jones eut présenté The Three Burials of Melquiades Estrada au Festival de Cannes, où il reçut le prix d’interprétation masculine et Guillermo Arriaga, celui du meilleur scénario, les critiques de cinéma se sont mis à le comparer à Sam Peckinpah et à Clint Eastwood.
Drame lyrique campé au Texas, The Three Burials… ne marquait pas le premier passage de Jones derrière la caméra. De fait, en 1995, il signait The Good Old Boys, un western pour la télé. Un genre de prédilection? "Non! En fait, je ne pense pas vraiment en termes de genre, raconte celui qui, outre Peckinpah et Eastwood, admire le travail des Kurosawa, Ford, Welles et Godard. Je suppose que vous pourriez appeler The Three Burials… un western parce qu’il y a des chevaux et de grands chapeaux."
Est-ce pour choquer le spectateur que vous montrez un cadavre ou pour illustrer ce que dit Arriaga de notre société?
"Je sais qu’il croit que notre société dénie la mort; pour ma part, je ne sais pas trop… enfin, ça fait partie de la vie et ce serait bien difficile de faire semblant qu’elle n’existe pas. Je croyais que c’était une bonne idée que de montrer un cadavre; je trouvais cela effrayant, morbide, parfois drôle, et, d’un certain point de vue, original. Je n’avais pas de critique à faire sur la société en général. Du moins, je n’en avais pas à faire pour ce film."
Vous avez voulu rencontrer le scénariste Guillermo Arriaga après avoir vu Amores Perros, d’Alejandro González Iñárritu; qu’est-ce qui vous attirait le plus dans son écriture? Sa forme fracturée, ses thèmes?
"Les deux! Lorsque j’ai vu Amores Perros, il était clair pour moi que c’était du jamais vu. Plus que tout, c’est l’originalité qui m’a séduit."
L’histoire s’inspire-t-elle de faits réels? Vouliez-vous dénoncer le traitement réservé aux Mexicains qui traversent la frontière américaine?
"Non, Three Burials… n’est pas tout à fait basé sur un fait réel, bien qu’il existe sûrement des événements similaires. Si le film avait à dénoncer quoi que ce soit, ce serait l’ethnocentrisme."
Vos personnages, très nuancés, semblent menacés par la nature, pourtant magnifique, du Texas.
"C’est un pays dur, très dur et aussi très beau. C’est un pays qui impose le respect; si on ne le respecte pas, il nous blessera. Chaque personnage semble bercé par ses propres illusions, ce qui est exactement comme dans la vraie vie, en ce qui me concerne. Je me souviens d’avoir pensé tout haut derrière la caméra un jour, je me disais que chaque personnage du film était un idiot. Puis je me disais: "Mais non, celui-ci est un héros, celui-là aussi." En fait, l’idée majeure qui ressort du film, c’est qu’être un être humain ne nous empêche jamais d’aller vers la bêtise."
Il y a plusieurs éléments comiques, voire absurdes, dans votre film; on n’a qu’à penser à la façon dont votre personnage traite la dépouille de son ami.
"Oui! Et je crois que le film devient vraiment bon lorsque quelqu’un se décide à rire. À ce moment-là, le rire est contagieux, et ça, c’est une bonne chose. Ceci dit, l’humour est très important pour moi."
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