Tsotsi : L'enfant
Cinéma

Tsotsi : L’enfant

Dans Tsotsi, Gavin Hood fait voir les injustices sociales toujours présentes en Afrique du Sud. Interview avec le lauréat de l’Oscar du film étranger.

Jusqu’à quel point peut-on humaniser un tueur? Si le portrait est trop peu nuancé, on se retrouve devant une caricature, un monstre. Dans le cas contraire, on risque de tomber dans la justification facile et la déresponsabilisation. "Ce que je voulais explorer, explique le réalisateur Gavin Hood au bout du fil, c’est ce dont nous avons besoin pour demander pardon et pour pardonner. Les gens ont généralement la capacité de pardonner, à condition qu’ils sentent que la personne éprouve de véritables remords. Quand quelqu’un s’excuse, nous n’oublions pas ce qu’il a fait, mais nous l’accueillons à nouveau dans la famille humaine."

Dès les premières scènes de Tsotsi, le personnage titre (interprété avec puissance et émotion par Presley Chweneyagae) tire sur une femme et s’enfuie avec sa BMW – où il découvre le bébé de celle-ci sur la banquette arrière. Il semble impossible d’avoir de la sympathie pour un être aussi abject, mais avant la fin du film, Hood aura réussi à nous faire pleurer avec le jeune truand. On voudrait y résister, voire déplorer la façon dont Hood use des clichés usuels (enfance malheureuse, manque d’éducation, pauvreté) pour excuser Tsotsi, mais tout cela est amené sans complaisance et avec une sincérité évidente. "Certains voient dans le film l’histoire d’un méchant qui devient bon et n’y croient pas, avoue Hood. Mais mon expérience avec les jeunes qui font des mauvaises actions m’a prouvé qu’ils avaient été abandonnés. Il y a une souffrance en eux, et pour l’endurer, ils se cachent derrière un masque de colère et de violence. C’est le cas de Tsotsi mais, grâce à une série de rencontres, l’enfant qui a toujours été en lui ressort, un enfant qui appelle à l’aide."

Adapté du roman d’Athol Fugard, Tsotsi transpose le récit originalement situé dans l’Afrique du Sud des années 1950 au Johannesburg d’aujourd’hui, alors que les inégalités sociales existent toujours malgré la fin de l’apartheid. Non loin des gratte-ciel et des banlieues aisées, des millions de gens vivent misérablement dans des bidonvilles et plusieurs se tournent vers le crime. Hood montre cette réalité dans toute sa dureté, mais les rythmes de kwaito (équivalent sud-africain du hip-hop) et la beauté sombre des images contribuent à rendre le film moins étouffant. "J’aime être très près des acteurs et capturer l’émotion dans leurs yeux. C’est pourquoi je ne voulais pas d’une caméra à l’épaule de style documentaire, parce que ce n’est pas aussi intime qu’une caméra plus statique, mais avec une composition riche et des éclairages conçus pour faire de ces yeux le point d’intérêt central. Puis à l’autre extrême, vous avez ces grands plans larges qui mettent l’accent sur la solitude du personnage, si petit dans cette énorme ville qui l’a formé mais qui est indifférente à lui."

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