Bienvenue au conseil d'administration : Bande à part
Cinéma

Bienvenue au conseil d’administration : Bande à part

Bienvenue au conseil d’administration explore les arcanes de la création. Entretien avec le comédien Robert Lalonde et le réalisateur Serge Cardinal.

Voici Robert Lalonde. Il jouera le personnage de l’idiot et de… l’écrivain Robert Lalonde, se promenant dans une jolie banlieue. Arrêt sur image: "Pourquoi ne peut-on pas commencer un film par une nuque?" dit le narrateur. Téléfilm Canada se gratte la tête: est-ce que le personnage d’Anne-Marie Cadieux donne des pichenettes à des pilules anticonceptionnelles? Si oui, cela viendrait ajouter une trame secondaire à l’intrigue principale.

À la manière d’un collage dada, Serge Cardinal commet son premier long métrage, assisté en cela par la direction photo de Jacques Leduc. Admirateur déclaré de Jean-Luc Godard, le professeur de cinéma à l’Université de Montréal ferait sûrement sien le mot de Dada Tzara, qui invitait dans son premier manifeste en 1916 à "détruire les tiroirs du cerveau".

Le scénario est à la catastrophe. Dans un bureau de Montréal, un conseil d’administration se prépare au krach boursier qui s’annonce. Le président (Albert Millaire) distribue les coups de gueule et de tête. La vice-présidente (Anne-Marie Cadieux) vit une crise de langueur jarmuschienne. Le trésorier (Marc Béland) psalmodie un mantra de chiffres, comme s’il invoquait l’intervention de la main invisible du marché. La secrétaire (France Castel) chantonne, pense et panse des têtes. L’idiot pur au gai savoir pose des clémentines dans un palmier et appelle à faire le mort ou, au choix, la révolution.

Le scénario est celui d’un film en train de se faire et qui se nomme Bienvenue au conseil d’administration. Sur le mode de la mise en abyme, le jeune réalisateur en a écrit deux, le second mettant en scène le premier, refusé par Téléfilm Canada. "J’ai présenté ce que j’avais fait de plus simple dans toute ma vie, soit une histoire linéaire qui prend la forme d’un huis clos sur fond de catastrophe, raconte-t-il. Une fois le projet refusé, on a compris qu’il ne pouvait pas, par sa nature, être redéposé. Alors j’ai fait de Téléfilm Canada un personnage de fiction."

D’après Robert Lalonde, ce "pamphlet polémique drôlement bien écrit" a certes le mérite de lancer le débat. "Pour recevoir de l’argent pour faire un film, faut-il donner des documents qui mâchent complètement d’avance le sujet, qui tiennent la main du spectateur? se demande le comédien, qui ne manque pas de dénoncer un certain sabotage institutionnel. Il y a un maudit paquet de très, très beaux scénarios que j’ai lus six fois, que des gens essaient de refaire pour les représenter à des subventionnaires et qui ne seront jamais tournés. Ça fait des années que ça dure et c’est toujours refusé. Des gens arrivent parfois à travestir à un point tel leur projet de départ qu’effectivement, ce n’est plus bon. Et ça décourage tout le monde."

Manifestement, l’écrivain et chroniqueur est loin d’être à bout de souffle. Et de renchérir, sans craindre de faire bande à part: "Il y a par ailleurs un discours qui ressemble davantage à un publireportage. On pense savoir ce que c’est, un film qui va marcher. Moi, je ne peux pas comprendre ça. À part l’argent qu’ils mettent pour faire mousser certains films, je ne vois pas pourquoi ceux-ci marchent, sinon qu’ils les ont tellement poussés. C’est un discours d’autocongratulation que se fait l’industrie. C’est extraordinaire. Elle n’a jamais aussi bien marché. Il y a eu un gala, mais en le regardant, on a l’impression qu’un seul film a été tourné. J’ai bien aimé C.R.A.Z.Y., comme tout le monde, mais je ne vois pas ce que le réalisateur a à dire sur son travail. C’est dément. L’institution, l’intelligentsia culturelle en ce moment est très loin derrière ce que le public est prêt à accepter."

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