Keane : Solitaire
Cinéma

Keane : Solitaire

Dans Keane, le cinéaste indépendant new-yorkais Lodge Kerrigan s’attache aux pas d’un itinérant en déroute émotive.

Nous les croisons tous les jours sur la rue, ces hommes et ces femmes souffrant de troubles mentaux, schizophrènes ou paranoïaques, prisonniers dans leur monde intérieur où ils combattent des démons que le passant ne peut soupçonner. Ils se parlent à eux-mêmes et parfois nous interpellent. Nous fuyons leur regard, en faisant semblant qu’ils n’existent pas.

Impossible, cependant, de se défiler ainsi durant la projection de Keane. Pendant 93 minutes, la caméra à l’épaule du cinéaste Lodge Kerrigan traque sans relâche, de façon impudique et insistante, un homme schizophrène dans les rues de Manhattan. Cet homme est William Keane, joué avec une sobriété exemplaire par Damian Lewis. Dans ce film d’une rigueur implacable, voire franchement austère, le spectateur est plongé dans l’orbite immédiate du personnage, dont on ne s’éloigne jamais, sans pourtant pénétrer son esprit. Pas question, ici, de psychologie 101.

Les seuls éléments d’information livrés aux spectateurs sur cet homme viennent du principal intéressé, qui entretient parfois un dialogue à haute voix avec lui-même. Mais tout ce qu’il raconte peut fort bien n’être que pure invention. Le film tisse ainsi une toile dramatique dont le héros tire les ficelles à sa guise, assortie en sous-texte d’un véritable suspense. En effet, nous apprenons dès le début que le protagoniste serait à la recherche de sa petite fille, qui aurait été enlevée dans la gare d’autobus de New York.

Dans l’hôtel où Keane a élu résidence, il fait la connaissance de Lynn (Amy Ryan) et de sa fille de huit ans, Kira (Abigail Breslin), dont le jeune homme sera amené à s’occuper pendant 24 heures. Une fois le lien de confiance établi entre lui et l’enfant, la table est mise pour que Keane soit tenté d’utiliser la fillette comme appât afin de retrouver le présumé kidnappeur de son propre enfant.

Keane est le genre de films qui tourne le dos à toute forme d’embellissement narratif ou esthétique du récit. Pas de musique, aucun effet artificiel de mise en scène ou de montage (malgré un sens marqué et très efficace du cadrage et de l’ellipse). Il en résulte un film sans faute, une tranche de réalité découpée au couteau, qui repose en bonne partie sur la performance très soutenue de Lewis.

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