Palais royal! : La vengeance d’une princesse
Palais royal!, de Valérie Lemercier, suit le parcours d’un vilain petit canard qui devient, à l’instar de la regrettée Diana, princesse du peuple. Une ascension fatale qui ne se fera pas sans malice ni mesquinerie. Entretien avec celle qui nous fit rigoler dans Les Visiteurs avec son incroyable accent d’aristo.
Il y a quelques semaines, un reportage de l’émission Enjeux démontrait que plus ça change, plus c’est pareil… De fait, encore de nos jours, les fillettes rêvent de devenir princesses et les garçons, d’être pompiers. Devrions-nous blâmer Cendrillon et ses coquettes acolytes? "J’ai l’impression que ce film va briser ce rêve d’être princesse. Je dirais même que ça va faire réfléchir les petites filles qui rêvent à cela", lance Valérie Lemercier (Quadrille, Le Derrière), rencontrée lors des 11es Rendez-vous with French Cinema à New York.
Troisième film de Lemercier, Palais royal! s’attache au destin pas si enviable d’Armelle, orthophoniste maladroite mariée au prince Arnaud (Lambert Wilson), second fils de la reine Eugénia (Catherine Deneuve), qui souhaite le voir devenir souverain de France à la place de son fils aîné. Moquée ou ignorée par tous, la roturière devenue princesse finira par en avoir marre. Commencera alors une guerre en dentelles entre Armelle et sa belle-famille.
Votre film s’ouvre sur les funérailles spectaculaires d’Armelle, lesquelles ne sont pas sans rappeler celles de la princesse de Galles. Vouliez-vous installer une distance entre votre personnage et le spectateur?
"Je voulais qu’on rie de ça. À partir du moment où l’on n’est pas attaché au personnage, qu’on ne sait pas qui est dans la boîte, c’est plus amusant. Montrer ces images de gens qui pleurent à la fin, ç’aurait été trop triste. Il y a un tel pas, une telle évolution de ce personnage qui semble aimé, mais qu’on ne regarde même pas. Pendant tout le film, on se demande comment Armelle a pu en arriver là. Elle est tellement loin de cette image de princesse du peuple, cela m’amusait donc de savoir que le spectateur se poserait des questions sur cette fille quasiment transparente. Je ne voulais pas qu’on ait de la peine en apprenant sa mort. Quand vous regardez les reportages sur Diana, ce qu’il y a de plus frappant dans sa vie, c’est sa mort. Évidemment, mourir aussi jeune, c’est frappant. Mais ce qu’on se rappelle, ce sont toutes ces fleurs… et c’est moins cher à tourner que 100 000 figurants."
Comment expliquez-vous que les têtes couronnées, dont certaines n’ont plus d’influence politique réelle, aient aujourd’hui un statut de star? Pourquoi toute cette "peopleisation" de la monarchie?
"Les gens ont besoin de parents, de famille, et à la différence des acteurs ou des hommes politiques, les membres de la royauté sont vus de la naissance à la mort tous les jours. Ce que je trouve très difficile pour ces gens, c’est qu’ils doivent être en représentation de façon permanente, sous les feux des projecteurs, toujours impeccables. Ce n’est pas un sort très enviable."
Pourquoi en avez-vous fait le sujet de votre film? Seriez-vous vous-même fascinée par les aristocrates?
"Ce qui me fascine, c’est la place qu’on a, qu’on n’a pas ou qu’on aimerait avoir dans sa famille, dans la société. C’est un thème qui m’intéressera toujours. Ce qui m’amuse chez les aristocrates, c’est qu’ils sont inoffensifs et décoratifs. J’aime beaucoup ce qui est officiel parce que je trouve qu’il y a un décalage entre ce qui est officiel et la réalité. En fait, ce qui m’amuse, c’est ce qui se passe derrière le décor. J’aime beaucoup les photos de Cecil Beaton; j’aime le côté portrait de cour de la même façon que j’aime les robes de geishas. J’aime ce qui est décoratif, le côté royal tout autant que le trivial. L’aristocratie est un sujet très peu exploité au cinéma, je voulais d’abord amuser les gens avec ce sujet. Moi, en tant que Française, je peux plus facilement écrire sur ce sujet que si j’étais Belge ou Anglaise, où j’aurais eu à trouver des acteurs ressemblant aux vrais personnages. J’ai pu faire un mélange de tout ça car nous ne sommes plus une royauté depuis plus de 200 ans, et du coup, c’était plus facile pour moi de faire un film là-dessus. Sinon, j’aurais dû faire un film trop collé sur la réalité."
Pour l’écriture du scénario, vous avez dû en lire, des Paris Match et en voir, des émissions de Stéphane Bern…
"J’ai vu toutes les émissions sur les familles royales et lu beaucoup à leur sujet. Il y a beaucoup de références à la Belgique. Je me suis amusée à brouiller les cartes. En Belgique, il y a deux frères dont on dit que l’un n’est pas le fils du roi. C’est toujours ça, les questions qu’on se pose. S’ils ne sont et n’existent que parce qu’ils sont de ce sang-là, imaginez s’ils sont des bâtards… Ça change tout. Je me suis aussi beaucoup intéressée à la famille Kennedy, qui est un peu la famille royale américaine. Au départ, je voulais parler de la femme d’un politicien, car ces femmes choisissent un mari, mais pas nécessairement leurs fonctions, alors elles sont obligées d’être célèbres. Je trouve qu’être célèbre quand on ne l’a pas décidé, c’est compliqué."
Vous montrez aussi au départ que ces femmes étaient destinées à exercer un métier, donc qu’elles nourrissaient une certaine ambition professionnelle plutôt que d’être condamnées à jouer les dames patronnesses ou à se ridiculiser lors de fêtes champêtres.
"Je n’ai pas pensé à cela; la princesse Mathilde de Belgique était pédopsychiatre, Diana était gardienne d’enfants. En fait, dans les milieux bourgeois, les métiers sont toujours une extension du rôle de maman, ce qu’on considère comme un travail acceptable. J’ai l’impression que dans ces milieux-là, les métiers possibles pour une femme sont puéricultrice ou restauratrice de tableaux, mais faire des tableaux, non."
Vous semblez porter une attention particulière aux répliques; dans certaines avec Catherine, on vous voit remuer les lèvres.
"J’ai revu le film hier et j’ai remarqué que je faisais cela dans plusieurs scènes. Peut-être est-ce de la pression sur eux, mais ce n’est pas forcément ça, car en même temps, j’ai beaucoup d’affection pour les acteurs. Ce qui me fascine le plus, c’est de voir un acteur jouer, car je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête à ce moment-là. Je ne crois pas beaucoup à l’improvisation parce que ça doit être précis malgré tout. Lorsqu’on passe beaucoup de temps à écrire les dialogues, je ne vois pas pourquoi tout ce monde aurait de meilleures idées sur le plateau. Si c’est mieux, je suis d’accord. En principe, je suis assez stricte parce que j’essaie de cacher des choses dans le dialogue afin que tout ne soit pas dit."
Armelle s’avère un personnage très attachant, mais le malaise s’installe lorsqu’elle devient peu à peu méchante.
"C’est une fille qui s’oublie totalement, qui voit tout ce qu’on lui donne et qui fait tout ce qu’on lui dit. Et un jour, elle en a assez. C’est quelqu’un qui accepte tout, qui ne voit pas le mal, comme les vrais gentils. Ce qui est un peu compliqué, c’est de montrer la gentillesse, car la vraie gentillesse n’est pas spectaculaire. Finalement, il n’y a que les enfants qui se rendent compte du changement, et c’est ça qui m’amuse. Elle pose avec des petits enfants, mais elle néglige les siens. Est-ce qu’on est gentil quand on n’est gentil que pour la galerie?"
Croyez-vous que la seule issue possible pour elle était la mort?
"On me le reproche beaucoup, mais je ne vois pas comment elle aurait pu finir autrement. Elle aurait pu finir avec la couronne sur la tête et ça aurait fait une fin heureuse, mais je ne crois pas qu’être reine soit un sort si enviable."
En salle le 26 mai