See No Evil : Les yeux dans les yeux
Cinéma

See No Evil : Les yeux dans les yeux

Dans See No Evil, de Gregory Dark, l’adulé lutteur Kane incarne un tueur psychopathe. Rencontre avec un géant qui fait ses premiers pas au grand écran.

Sous sa poitrine recouverte du t-shirt promotionnel du film, nous devinons l’impressionnante masse musculaire. Notre regard se dirige immédiatement vers le sol, où il se pose sur de massives bottes de cuir à bouts d’acier. Après un bref moment, nous osons finalement regarder sept pieds plus haut où, sous un crâne parfaitement lisse, deux yeux (dont un rendu vitreux grâce à une lentille cornéenne terrifiante) nous fixent avec insistance. "I am Kane." La voix est grave, caverneuse. Nous rendons grâce au ciel de nous trouver dans un bar gothique du centre-ville de Toronto, plutôt que dans une sombre ruelle déserte. "Hummm… après vous!" lui indiquons-nous, dans un excès de galanterie imposé par sa stature. L’homme se laisse tomber sur la banquette qui oscille légèrement sous le poids de ses 326 livres.

C’est cette taille hors du commun, jumelée à sa réputation de brute, qui lui a valu sa renommée au sein de la WWE (World Wrestling Entertainment). Habitué à faire hurler de joie (ou de rage) les 20 000 spectateurs qui assistent à ses combats semaine après semaine, Kane a accepté de passer, le temps d’un film, au grand écran. Mais seulement à condition de rester dans le même registre. Son domaine, c’est la peur. Pas question d’incarner un rôle de romantique. "Le problème avec les gars comme moi, c’est que, lorsque nous embrassons notre partenaire, nous risquons de lui mordre la langue. La plupart des actrices ne voudraient pas jouer mes fiancées pour tout l’or du monde", nous informe-t-il, pince-sans-rire.

Effectivement, Jacob Goodnight, le tueur fou qu’il personnifie dans See No Evil, du réalisateur de la série Oz Gregory Dark, est aux antipodes du don Juan. Et le scénario du film est loin de ressembler à un conte de fées: victime d’une enfance perturbée, Jacob dédie sa vie à arracher (littéralement) le péché qu’il croit voir dans les yeux de ses victimes. Lorsqu’une bande de jeunes délinquants vient effectuer des travaux communautaires dans le vieil hôtel désaffecté qu’elle a choisi pour refuge, la bête traque les belles (et leurs petits copains) avec une avidité qui n’a d’égale que sa violence. Coup de hache, de fusil ou de poing: Jacob n’est pas pointilleux. Il donne de tout. Et ce, sans compter.

Lorsqu’on lui demande si cette succession de scènes sanglantes possède un message qui nous aurait échappé, Kane a un petit rire. Guttural, certes, mais aussi gêné: "C’est un film d’horreur. Ce que nous avons voulu faire, et ce que nous avons réussi à faire, c’est un bon film de peur." Âmes sensibles, vous voilà averties. Amateurs de lutte aussi: "Jacob Goodnight est une extension de ce que je fais dans la WWE. Ce rôle me va comme un gant. Jacob, c’est moi." Nous n’osons lui demander si la citation lui vient de Flaubert, mais nous nous risquons quand même à l’interroger sur les trucs qu’il préconise pour extérioriser la violence au quotidien. Il exclut d’emblée l’option "yoga" que nous lui soumettons subtilement, mais jure qu’il n’a jamais eu de dossier criminel, et qu’il ne tient pas à en posséder un. Nous lui serrons la main, rassurée… momentanément.

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