Découvertes allemandes : Secrets de famille
Cinéma

Découvertes allemandes : Secrets de famille

Les 14e Découvertes allemandes offrent les p’tits derniers de la production d’outre-Rhin, avec une attention spéciale à de jeunes réalisateurs dans le vent qui portent un regard parfois cru sur une famille éclatée.

Marginalité, insécurité, violence, passé nazi, déchirement et réconciliation composent le menu servi aux cinéphiles, germanophiles et autres curieux qui pénétreront le cinéma du Goethe-Institut. En tout, sept films, incluant un documentaire, représentant les préoccupations sociales d’une génération trentenaire et quarantenaire post-chute du mur de Berlin.

En levée de rideau, le tranchant Agnès et ses frères d’Oskar Roehler met en scène trois fils manqués liés entre eux par une mère manquante et un père reclus dans un bunker où les fusils de chasse voisinent les bouteilles d’alcool. Agnès (Martin Weiss), délicat transsexuel, passe ses nuits en boîte et encaisse les coups sans broncher. Hans-Jörg (Moritz Bleibtreu), bibliothécaire négligent, voit son esprit dépravé hanté par des femmes de rêve. Bagarreur politique au bord de la crise de nerfs, Werner (Herbert Knaup) est aux prises avec une épouse qui ne l’aime plus et un fils qui le filme à son insu.

Avec des personnages constamment sur le fil du rasoir, Roehler ne fait ni dans l’esquive ni dans le faux-semblant. Il dérange, brusque et confronte. Il tourne le refoulement et son déchaînement avec une froideur qui donne des frissons dans le dos. Bref, cette réalisation du cinéaste bavarois mettra en appétit, en attendant de voir à l’automne son adaptation controversée des Particules élémentaires de Michel Houellebecq, qui a plu et déçu à la récente Berlinale.

Parmi les autres films, notons Sugar Orange d’Andreas Struck, primé en son pays pour ce triangle amoureux peu conventionnel entre Sugar, un homme présentant des troubles de l’attachement, qui ne peut s’abandonner d’amour avec Lena, et Orange, son ami d’enfance avec qui il a rompu un lien unique.

Ne passons pas sous silence le documentaire Les enfants d’hiver – la génération silencieuse (mention spéciale au FIFM). Filmant sa propre famille, Jens Schanze enquête sur le passé nazi de son grand-père, ce qui aura pour effet de créer de lourds moments de vérité entre des enfants qui s’entêtent à occulter des souvenirs d’un père et des petits-enfants qui cherchent à savoir.

Sur une note tragicomique, The Forest for the Trees de Maren Ade (Prix spécial du Jury à Sundance) raconte l’histoire d’une jeune prof idéaliste qui plaque chum et famille pour répandre ses méthodes alternatives dans une école de la grande ville, où elle tentera maladroitement de se lier d’amitié avec une collègue appartenant à une classe sociale plus élevée.

Pour sa part, Yilmaz Arslan fait partie, avec Fatih Akin (Head-On), d’une jeune génération de cinéastes allemands d’origine turque qui font leur marque. Dans Fratricide, il dépeint l’horizon social fermé des immigrants kurdes et des jeunes Turcs de la deuxième génération qui sombrent dans la violence exacerbée.

Porté ces dernières années par le succès planétaire de La Chute, de Good Bye, Lenin! et de Cours, Lola, cours, le cinéma allemand d’aujourd’hui ne laisse pas planer l’ombre d’un doute sur son dynamisme. S’il faut se fier à cette sélection du Goethe-Institut, il ne manque pas néanmoins de porter également un certain jugement sur une société dont la stabilité, elle, laisse des doutes.

Tous les jeudis et les vendredis jusqu’au 26 mai, au Goethe-Institut.
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