Match Point : Jeu cruel
Avec Match Point, film noir et pas très gentil, Woody Allen démontre qu’il n’avait pas définitivement perdu son tranchant.
C’est donc en s’éloignant de ses terres que Woody Allen se sera rapproché de son art. Tournant le dos à la Grosse Pomme, le réalisateur de Manhattan est parti tourner à Londres, où il avait donné un improbable rendez-vous à sa muse. Or, voilà que l’inspiration s’est montré le bout du nez. Du coup, dépaysé, rafraîchi et stimulé, Woody a filmé son long métrage le plus intéressant depuis, quoi, 10 ans.
Par son ton relativement sombre – quoique non dépourvu d’humour -, Match Point est à ranger au rayon des oeuvres alleniennes "sérieuses". Par ses thèmes centraux – poids de la culpabilité, caractère aléatoire de la justice divine… -, on lui reconnaîtra une parenté avec l’excellent Crimes and Misdemeanours, cru millésimé 89. Dans le détail, on y verra un portrait social, celui de la haute bourgeoisie grande-bretonne, soigné et mordant.
Garçon d’origine modeste, l’ex-tennisman professionnel Chris Wilton (Jonathan Rhys-Meyers, parfait) cherche à faire sa place en société. Son ascension est facilitée par une rencontre fortuite qui le met en contact avec les Hewett, famille fort aisée. Chris épouse Chloe (Emily Mortimer), jeune femme plutôt gourde, sachant qu’il tient là son ticket pour la grosse vie sale.
Mais cette existence, facile et dépourvue de passion, ne satisfait guère Chris qui, en quête d’un peu de piquant, séduit l’ex-fiancée de son beau-frère, la sexy Nola Rice (Scarlett Johansson, très bien), apprentie comédienne américaine que la mère Hewett a prise en grippe. Bientôt, la liaison dangereuse prend un tour obsessif et Chris, craignant la dégringolade sociale, songe à y mettre un terme.
Mis en scène avec une redoutable efficacité, le dilemme moral de Chris alimente un suspense qui, à mesure que l’on avance, gagne en intensité et culmine lors d’un rebondissement jouissif, lequel fera basculer le film vers une conclusion morose mais satisfaisante. L’intrigue même, son développement en fait, ne constitue pas la principale force de l’oeuvre. Faisant plus de deux heures, un record chez Allen, le film traîne quelques minutes en trop qui freinent son élan vers la mi-parcours. Or, malgré ce handicap mineur, Match Point constitue une réussite indéniable qui prouve que Woody, malgré ses déboires récents, n’est pas encore prêt à accrocher sa raquette.
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