Vues d’Afrique : Sous le soleil du Maroc
Du 20 au 30 avril, Vues d’Afrique présente les 22es Journées du cinéma africain et créole sous le parrainage de la chanteuse Mélanie Renaud et du conteur Boucar Diouf. Premier survol.
Cette année, Vues d’Afrique offre une place de choix à la culture marocaine et c’est au deuxième long métrage du cinéaste Kamal Kamal, La Symphonie marocaine, que revient l’honneur d’ouvrir les festivités. Afin de célébrer la richesse du cinéma du Maroc, se tiendra une rétrospective marocaine où les cinéphiles pourront voir ou revoir des classiques des 30 dernières années tels que Wechma d’Hamid Benani et L’Enfant endormi de Yasmine Kassari.
Sans contredit l’un des incontournables du festival, en compétition dans la section Regard du monde, J’ai vu tuer Ben Barka de Serge Le Péron lève le voile sur une mystérieuse affaire qui secoua la France en 1965. Fortement opposé au régime de Hassan II, roi du Maroc, Mehdi Ben Barka (Simon Abkarian, solide) s’exile en Algérie puis en Égypte afin d’éviter la peine de mort. Truand devenu journaliste, Georges Frigon (excellent Charles Berling) se fait demander de produire un film sur la décolonisation, dont la réalisation serait confiée à Georges Franju (inquiétant Jean-Pierre Léaud) et la scénarisation à Marguerite Duras (incroyable Josiane Balasko) ainsi qu’à Ben Barka, qui agirait comme conseiller historique. En vérité, ce film n’était qu’un guet-apens pour enlever l’opposant marocain dont on ne retrouva jamais le corps. Un fait historique fascinant tourné dans la tradition des meilleurs polars.
Parmi la douzaine de films en compétition dans la section Films du Sud – Fictions africaines et créoles, les mélomanes ne voudront certes pas manquer U’Carmen eKhayelitsha de Mark Dornford-May, premier film africain à décrocher l’Ours d’or à Berlin. Cinq ans après l’électrisante Karmen Geï de Joseph Gai Ramaka présentée à Vues d’Afrique, le metteur en scène de théâtre britannique offre à son tour une transposition africaine de l’opéra de Bizet, faisant ici de son héroïne (la chanteuse lyrique Pauline Malefane) une plantureuse rouleuse de cigarettes dans le Cape Town post-apartheid. Si sa mise en scène ne casse pas la baraque, le film amalgame habilement les airs de Bizet à la musique africaine.
Enfin, le documentaire a la part belle à Vues d’Afrique où pas moins d’une cinquantaine de ceux-ci seront présentés, dont Rwanda, les collines parlent de Bernard Bellefroid qui donne la parole aux survivants et bourreaux 11 ans après le génocide. Qui dit documentaire, dit aussi ONF. C’est ainsi que se retrouvent en compétition dans la section Regard d’ici le premier long métrage de Maryse Legagneur, Au nom de la mère et du fils, qui illustre de façon touchante le quotidien de deux jeunes Haïtiens du quartier Saint-Michel, et War Hospital du Canadien David Christensen et de l’Anglais Damien Lewis. Bouleversant exemple de cinéma-vérité, ce documentaire nous transporte dans l’univers du Comité international de la Croix-Rouge, qui vient en aide aux victimes de la guerre civile au Soudan. Sans narration, les images témoignent tour à tour avec force du désespoir d’une mère voyant son enfant entre la vie et la mort, de la compassion du personnel infirmier et de la joie des patients ayant survécu à l’horreur.