The Notorious Bettie Page : Pin-up girl
Cinéma

The Notorious Bettie Page : Pin-up girl

Dans The Notorious Bettie Page, Mary Harron trace un portrait tout en nuances de la légendaire brunette.

Au début des années 1950, à l’époque où Marilyn Monroe représentait pour le grand public l’incarnation même du sex-appeal, plusieurs amateurs de jolies courbes féminines préféraient nourrir leurs fantasmes avec les exploits photographiques et filmiques de Bettie Page. Pétrie d’innocence, cette jeune femme issue d’un milieu conservateur de Nashville voulait devenir actrice. Actrice sérieuse, s’entend, de préférence au théâtre. Mais il aura suffi de quelques séances de pose pour des magazines érotiques pour que sa voie soit toute tracée.

Il faut dire que la dame dévoilait ses charmes devant la caméra avec une aisance plus naturelle que sa capacité à défendre un texte de Bernard Shaw sur les planches. Le film de Mary Harron illustre intelligemment et avec finesse cette réalité, notamment grâce au jeu formidable de Gretchen Mol. Cette dernière rend à merveille la candeur souriante de Page qui jouait les "dominatrix" dans des poses lascives sans aucune arrière-pensée, en même temps qu’elle parvient à rendre sans un soupçon de caricature son jeu médiocre dans les scènes où elle passe des auditions pour le théâtre. Il s’agit d’une performance tout en modulations. On ne pouvait franchement espérer mieux, surtout que Mol a le physique de l’emploi.

Filmé principalement en noir et blanc, avec quelques passages saisissants en couleurs, The Notorious Bettie Page est une chronique biographique curieusement sage, parfois même à la limite du fade, sur un sujet pourtant très relevé, on en conviendra. C’est comme si Mary Harron avait consciemment décidé de désamorcer tout le potentiel sensationnaliste et satirique du sujet afin de l’ennoblir via un traitement méticuleusement académique.

Or, si le film dans son ensemble manque un peu de vie et d’élan, le portrait qu’il fait de Bettie Page demeure résolument attachant et crédible, ce qui constituait sans doute la priorité de la réalisatrice. En plus, bien sûr, d’évoquer une époque où l’industrie du sexe en était encore à ses premiers balbutiements. Cet aspect "documentaire" du projet s’avère assez fascinant, au point d’ailleurs où l’on aurait aimé que le film aille plus en profondeur. Bref, une oeuvre inaboutie mais sympathique. (Martin Girard)

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Lingerie fine et bottes de cuir

Dans The Notorious Bettie Page, de Mary Harron, Gretchen Mol se glisse dans le porte-jarretelles de la célèbre pin up pulpeuse. Entrevue avec la réalisatrice et l’actrice, rencontrées au Festival de Toronto.

Doyenne du cinéma américain indépendant, Mary Harron, dont les plus récents tours de force sont la biographie de Valerie Solanas, I Shot Andy Warhol, et l’adaptation en dents de scie du roman de Bret Easton Ellis, American Psycho, sait comment faire un film d’époque. Tourné en majeure partie en noir et blanc, comprenant quelques moments en couleurs sursaturées, The Notorious Bettie Page porte sur le charme des apparences.

"Bettie était très complexe et nous ne l’avons jamais vraiment comprise, explique Mary Harron, qui s’est minutieusement livrée au cours des 15 dernières années à des recherches avec sa coscénariste, Guinevere Turner (Go Fish). De toute évidence, lorsqu’on fait n’importe quelle biographie, on essaie de créer la biographie d’une vraie personne, mais on ne peut jamais vraiment aller jusqu’au bout… il y a toujours un mystère propre à chacun. Bettie, en particulier, dégage quelque chose de très énigmatique dans sa façon d’être, dans ses choix et dans sa naïveté combinée aux trucs osés qu’elle a faits."

À propos de son interprétation de la reine des pin up, Gretchen Mol avoue: "C’était chouette, parce que je pouvais disparaître sous la perruque et me sentir moins coupable. Parfois, on a tendance à se dire "oh! n’y prends pas trop de plaisir", mais je ne crois pas que Bettie pensait comme ça. Elle faisait ce qu’elle avait à faire. C’était une fille gentille et douce qui avait un côté sombre. Les gens se dénudent parfois avec plus ou moins de goût, mais dans l’esprit de Bettie, c’était certainement libérateur. Comme elle le dit dans le film, pour elle, c’était une expérience valorisante de poser nue comme si elle avait été une vraie naturiste. J’ai tendance à être d’accord avec Bettie à ce propos, quel mal y a-t-il avec la nudité?"

Comme le film le montre, Bettie Page a dû témoigner au Congrès en 1955 à la demande d’un militant anti-pornographie, le sénateur Estes Kefauver (David Strathairn). Cependant, la fille aux courbes parfaites incarnait toujours la bonne fille, même quand elle était très, très coquine…

"Ce que j’aime des "photos bondage" de Bettie, c’est son attitude qui est toujours complètement inappropriée, révèle Harron. Au milieu des fouets et des cordes, elle se tient là avec son grand sourire l’air de dire "bonjour!" Elle adorait poser, comme un enfant aime jouer et se déguiser. Pour elle, c’était un jeu, toutes ces tenues ridicules. Notez toutefois ce fait très important, aucun homme ne figurait sur ces photos. Je crois que si cela avait été le cas, elle n’aurait jamais pu ignorer toute la portée érotique de celles-ci. Bettie nous fait sentir bien parce qu’elle semble tellement s’amuser, alors que tant d’autres mannequins donnent l’impression d’avoir une mauvaise opinion de ce qu’elles font, nous rendant ainsi coupables de les regarder. Je crois que c’est après les années 60 et 70 qu’est apparue cette mentalité voulant qu’on ne pouvait pas s’habiller ainsi pour rire parce que c’était dégradant et que c’était propre au vieux système opprimant qu’on tentait de rejeter quand j’étais jeune. Je pense que c’est Madonna qui a de nouveau changé la donne, car, comme votre génération le sait, tout est dans la façon de porter lingerie et bottes de cuir. À l’époque, Bettie avait contribué à l’émancipation des femmes parce qu’elle aimait tant poser en tenue légère. Elle a dissocié cela des images d’exploitation; en fait, il y avait une atmosphère de pyjama-party dans sa façon de poser."

La vie n’a pourtant pas toujours été une partie de plaisir pour la vraie Bettie Page, qui abandonna sa carrière au sommet de sa gloire puis connut des troubles mentaux et comportementaux. Cependant, The Notorious Bettie Page nous laisse avec le souvenir heureux d’une déesse aux seins nus dans un champ doré et celui d’une croyante prêchant béatement la parole de Jésus: "À la fin du film, avance Mol, on ne sait pas vraiment qui elle était parce que nous ne le disons pas. Au bout du compte, c’est davantage une idée, une impression qu’on a d’elle, et ce sentiment demeure lorsqu’on regarde ses photos. Personne n’a de réponse et toute cette ambiguïté qui persiste me plaît." (Melora Koepke, traduit par Manon Dumais)

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