La Planète blanche : Soleil de minuit
La Planète blanche, de Thierry Ragobert et Thierry Piantanida, illustre un Arctique à la dérive menacé par le réchauffement climatique. Contact téléphonique avec le coréalisateur et producteur Jean Lemire, joint… dans la nuit australe de l’Antarctique.
Aux antipodes de l’anthropomorphique Marche de l’empereur, ce nouveau documentaire animalier arrive dans nos salles précédé d’un franc succès populaire dans l’Hexagone. La Planète blanche célèbre la diversité des espèces de l’Arctique nord-américain, au cours d’un cycle d’une année polaire. Un film qui ne vous laissera pas de glace.
Pendant la longue nuit hyperboréenne, une ourse et ses nouveau-nés hibernent dans une tanière, dans un moment émouvant de cinéma qui évoque paradoxalement l’animalité de l’homo sapiens. Avec le soleil qui pointe à l’horizon, refont surface le curieux phoque à capuchon et la légendaire "licorne des mers", tandis que dans la toundra des hordes de boeufs musqués, monstres à la mine préhistorique, lancent un oeil torve à une caméra qui rappelle celle de Pierre Perrault.
On pourrait reprocher à cette coproduction franco-canadienne de trop embrasser et de mal étreindre. À l’exception de l’ours polaire, dont l’évolution au gré des saisons forme la trame narrative du long métrage, et du caribou, qu’on suit dans ses pérégrinations, chacune des quelque vingt espèces animales montrées ne se voit accorder à peu près qu’une seule séquence. En cela, le montage, qui a duré près d’un an, aurait gagné en fluidité en procédant à d’autres choix.
Lu par Pierre Lebeau, le texte, finement écrit mais parfois trop souligné, se fait discret devant les images, saisissantes, comme cette vision fabuleuse des bélugas, blanches statues en apesanteur dans les noires profondeurs. Encombrante et convenue à certains moments, la musique de Bruno Coulais (Le Peuple migrateur, Microcosmos) s’en tire somme toute grâce aux voix envoûtantes de Jorane et d’Élisapie Isaac (Taima).
Les équipes de tournage ont disposé de moyens fort considérables, explique le réalisateur de Mission Arctique: "Trois hélicoptères en vol en même temps ont filmé les caribous du Nord du Québec, dont personne ne peut prédire la grande migration. Deux équipes sous-marines ont capté les baleines boréales du Nunavut, tandis qu’on a fait venir une "ciné-bulle", une montgolfière qui a permis de faire les plans des icebergs et des glaciers du Groenland."
Mer de glace inhospitalière s’il en est, l’immense désert de l’Arctique devient un acteur à part entière de La Planète blanche. Balayé par des vents tranchants, il s’ébranle par la force des marées et des courants océaniques. À la fonte, la banquise se déchire dans un fracas titanesque alors qu’ailleurs les hummocks, ces reliefs de neige, grondent sourdement sous la pression interne de la calotte glaciaire. Terriblement spectaculaire.
Le Pôle Nord fait place, aussi, au tableau de la nature dans sa pure splendeur. Jean Lemire poursuit: "Le silence, extraordinaire, fait naître dans ces grands espaces un sentiment de début du monde. Si on pouvait amener les gens ici, je suis persuadé qu’on pourrait résoudre une grande partie des problèmes environnementaux auxquels nous faisons face."
Pendant que nos scientifiques pressent le gouvernement Harper d’agir au plus vite dans le dossier des changements climatiques, les pôles, avant-postes du réchauffement, continuent de fondre exactement comme neige au soleil. "Dans le secteur de la baie d’Hudson et de la mer de Beaufort, l’augmentation de la température dépasse [la normale de saison] de deux degrés. Avec la diminution du couvert de glace, les espèces occupent un espace de plus en plus réduit, ce qui peut mener à terme à une perte de biodiversité", explique Lemire, qui dirige jusqu’en septembre 2006 un tournage scientifique en Antarctique à bord du Sedna IV. À suivre donc.
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