Stupeur et tremblements : Mots pour maux
Stupeur et tremblements, adaptation du roman d’Amélie Nothomb par Alain Corneau, prouve que du roman à l’écran, les bouleversements ne sont pas toujours majeurs.
"Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Et moi, je n’étais la supérieure de personne." C’est sur cette énumération qui avait servi d’introduction à Stupeur et tremblements, récit de la prolifique romancière belge Amélie Nothomb, que s’ouvre le film éponyme d’Alain Corneau.
Pour quiconque voit dans l’adaptation cinématographique de romans une entreprise indéniablement vouée à l’échec (combien de fois n’a-t-on pas entendu: "Le livre est teeeeellement meilleur que le film!"), l’idée de transposer à l’écran l’univers complètement éclaté de l’écrivaine peut sembler risquée.
Cependant, Stupeur et tremblements, son roman le plus accessible, moins déjanté que les précédents Attentat, Mercure ou autres Catilinaires, possède un caractère biographique qui exclut toute manifestation excessive de délire littéraire. Nothomb y relate l’enfer qu’elle a vécu lors de son travail au sein d’une compagnie japonaise située au coeur de Tokyo.
S’il est une chose que l’on ne peut guère reprocher à Corneau, c’est bien de manquer de fidélité à l’oeuvre originale. En effet, la narration aussi bien que les dialogues sont une retranscription quasi littérale du roman. Pour un peu, on verrait l’avalanche de virgules, points d’exclamation et autres signes de ponctuation se matérialiser devant nos yeux. Autant, au premier abord, on se réjouit de cette allégeance au récit initial, autant, au bout d’un certain moment, on commence à s’en lasser. Et on finit même par espérer avec avidité ne serait-ce qu’un écart par rapport au texte écrit.
Aussi blonde que Nothomb est brune, aussi sage que Nothomb est marginale, Sylvie Testud n’en campe pas moins à merveille le personnage de l’excentrique auteure. Tout en gaucherie et en candeur, Testud incarne à la perfection le rôle de l’Occidentale assoiffée d’appartenir à une société qui refuse de faire d’une étrangère un membre à part entière. Sa prestation lui a d’ailleurs valu le César de la meilleure actrice en 2004 (quelqu’un a-t-il dit "décalage horaire"?).
Le contraste Orient-Occident, thème principal du récit, est admirablement rendu par le duo hétéroclite que forment la frêle Testud et l’imposante Kaori Tsuji qui personnifie la tyrannique Mlle Mori. Enfin, l’ensemble est sobre, honnête, mais il lui manque cette étincelle de folie qui nous aurait permis d’être réellement pris de stupeur…
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