Festival de Cannes : En attendant princesse Sofia
Cinéma

Festival de Cannes : En attendant princesse Sofia

La 59e édition du Festival de Cannes, qui a raté son ouverture avec The Da Vinci Code, s’annonce comme l’une des plus faibles des dernières années. Heureusement qu’il y a les Loach, Almodovar et Inarritu pour sauver la mise.

Est-ce vraiment nécessaire de revenir sur The Da Vinci Code de Ron Howard? Non! Une chose est sûre, si les organisateurs du Festival de Cannes tenaient absolument à ouvrir les festivités avec un blockbuster américain – quelle idée, quand même! -, ils auraient dû choisir X-Men: The Last Stand de Brett Ratner… Alors passons tout de suite en revue les récoltes plus ou moins satisfaisantes de la semaine.

QUELQUES DÉCEPTIONS

Premier film de la compétition officielle, Summer Palace de Lou Ye raconte le drame existentialiste d’une étudiante peu douée pour les relations amoureuses. Si le réalisateur a su rendre crédible l’agitation de la jeunesse étudiante de la fin des années 80, son film se révèle toutefois un très long mélodrame aux accents parfois tragiques qui frôle par moments l’hystérie, quand il ne tombe pas en mode poseur.

Autant Alexandra’s Project de Rolf de Heer retenait l’attention du début à la fin, autant Ten Canoes donne envie de sombrer dans le sommeil profond. Fort d’images splendides de l’Australie, Ten Canoes prend trop souvent des airs de documentaire ethnographique s’adressant aux enfants de la maternelle. Saluons quand même l’entreprise fort louable de nous faire découvrir davantage la culture aborigène.

Ce n’est pas donné à tous de maîtriser l’art du film choral, comme le prouve Nicole Garcia avec son très rasoir Selon Charlie, à mi-chemin entre le téléroman-fleuve et le téléfilm bon chic, bon genre dont l’intrigue, campée sur trois jours dans une ville grise au bord de l’Atlantique, piétine lamentablement. Seul Jean-Pierre Bacri trouve grâce à nos yeux dans la peau d’un maire de province un peu beauf.

Malgré ses images saisissantes et ses propos alarmants sur le réchauffement de la planète, An Inconvenient Truth de Davis Guggenheim n’a pas comblé nos attentes. L’ensemble donne l’impression d’être une retransmission via satellite d’un cours donné par Al Gore – qui a à peu près autant de charisme que Stephen Harper – à des étudiants de première année d’université. Trop sage.

Passons rapidement sur le fourre-tout presque indigeste qu’est Southland Tales de Richard KellyThe Rock joue un acteur amnésique dans le Los Angeles de 2008. Il Caimano de Nanni Moretti, le film prétendument responsable de la défaite de Berlusconi, suit davantage les déboires sentimentaux d’un réalisateur de films psychotroniques qu’il n’est le brûlot politique annoncé.

Pour sa part, Aki Kaurismäki use encore de son humour incisif frisant l’absurde, mais Les Lumières du faubourg n’arrive pas à ravir comme L’Homme sans passé. Peignant de façon crue la guerre et ses dommages collatéraux, Flandres de Bruno Dumont a si peu à raconter qu’on aurait préféré que le réalisateur se contente de signer un moyen métrage.

Au rayon des curiosités et des surprises, pénis en érection, jets de sperme au plafond, vomissures à répétition ainsi que tripes animales et humaines sont au menu de Taxidermia du Hongrois György Palfi (Hukkle), qui relate l’histoire d’une famille sur trois générations. Une comédie grinçante qui verse dans le grotesque et emprunte au surréalisme, tout en carburant à l’humour noir.

Premier long métrage de l’Anglaise Andrea Arnold, Red Road met en scène la remarquable Kate Dickie dans le rôle d’une opératrice de caméras de surveillance dans un quartier mal famé qui devient complètement obsédée par un homme tout juste sorti de prison. Si l’intrigue hypnotisante se développe trop lentement au début, la réalisatrice rattrape le tout en signant des scènes fortes et troublantes au cours desquelles les motivations du personnage féminin s’avèrent tordues… jusqu’à ce que la vérité nous éclate violemment au visage. Renversant et douloureux.

DE L’ESPOIR À L’HORIZON

Volver, de Pedro Almodovar.

Campé au début des années 20, l’éprouvant The Wind That Shakes the Barley de Ken Loach retrace, via l’histoire de deux frères (excellents Cillian Murphy et Padraic Delaney), comment l’Irlande fut déchirée par une guerre civile après avoir acquis son indépendance à la suite du traité signé par l’Irlande et la Grande-Bretagne. Un film très dur qui illustre puissamment la guerre dans toute sa laideur.

Basé sur le best-seller-culte d’Eric Schlosser, Fast Food Nation de Richard Linklater dénonce avec un humour corrosif à souhait l’hypocrisie des multinationales et du gouvernement qui ferment les yeux sur les problèmes de santé de plus en plus graves de la société américaine. Même si certaines scènes s’étirent inutilement, l’ensemble s’avère aussi efficace que le documentaire coup-de-poing de Morgan Spurlock, Super Size Me. Un chausson avec ça?

Renouant avec bonheur avec l’univers féminin, Pedro Almodovar raconte dans Volver l’histoire de trois générations de femmes aux prises avec un lourd secret à porter. Au menu: inceste, meurtre et adultère. Une comédie dramatique émouvante, pleine de cocasserie, de tendresse et de douce folie, où Carmen Maura s’avère parfaite dans le rôle d’une mère qui a bien des choses à se faire pardonner et où Penélope Cruz défend avec talent et panache le meilleur rôle de sa vie.

Dans Iklimler, film propre à partager la critique, le Turc Nuri Bilge Ceylan (Uzak) semble hésiter entre raconter l’histoire d’un couple victime de ses états d’âme ou démontrer ses talents exceptionnels pour la photographie. Certains voient en ce drame existentialiste excessivement contemplatif la Palme d’or…

Babel, d’Alejandro Gonzalez Inarritu.

Cette Palme d’or pourrait tout aussi bien échoir à Alejandro Gonzalez Inarritu qui, après Amores Perros et 21 Grams, signe un troisième film dont les récits se déroulant au Maroc, au Japon et au Mexique ont pour dénominateur commun une arme à feu. Un exercice fort réussi et captivant qui réconcilie avec le Festival. Reste à découvrir ce que nous réserve Marie Antoinette de Sofia Coppola, qui lance elle aussi son troisième long métrage… À suivre.

Du 17 au 26 mai, Manon Dumais chasse les stars sur la Croisette et se gave des meilleurs films de la planète. Suivez son périple cannois chaque jour sur son blogue.