Buena Vida (Delivery) : Temps durs
Dans Buena Vida (Delivery), le jeune cinéaste argentin Leonardo di Cesare croise histoire d’amour et observation sociocritique sur fond de crise économique.
Le truc a fait ses preuves: pour mieux saisir une situation de nature commune, on passera par l’entonnoir du particulier. En restera un cas spécifique, faisant métaphore. Pour sa première fiction au long cours, le réalisateur argentin Leonardo di Cesare a fait bon usage du procédé, lui qui raconte les aléas économiques de son pays à travers les mésaventures d’un jeune homme ordinaire.
Après le départ de sa famille pour l’Espagne, Hernán (Ignacio Toselli, sosie du chanteur Marc Déry) se retrouve seul dans une trop grande maison. Son petit job de livreur à moto lui suffira-t-il à payer ses frais? Il se trouve une coloc en Pato (Moro Anghileri), jeune femme attachante travaillant dans une station-service, qui devient bientôt son amoureuse.
Or, les parents de Pato débarquent soudain sans crier gare. Hernán leur offre l’hospitalité, mais les visiteurs s’incrustent. Et quand le père, Venancio (Oscar Nuñez), transforme la cuisine en usine à beignets, Hernán finit par péter sa coche.
Amené à s’identifier au jeune homme, le spectateur se retrouve aux prises avec un dilemme moral. Par temps durs, n’avons-nous pas le devoir de prêter assistance à ceux qui en ont besoin? Oui, mais peut-être pas à n’importe quel prix. Le réalisateur réussit à jouer avec nos sentiments. Cette petite gymnastique manipulatrice n’est pas toujours agréable, mais elle a le mérite de remuer les méninges.
Au final, on ne sait pas exactement si di Cesare s’est fait le critique d’une certaine engeance parasite ou le pourfendeur d’un système malade. Une certaine ambiguïté planera jusqu’à la fin. Ce flou, à notre avis, vaut mieux qu’une conclusion claire et nette, qui se serait ici révélée décevante.
En fait, dans les notes de presse, le cinéaste explique qu’il a voulu montrer comment, quand forcés par les circonstances, l’homme et sa fiancée doivent faire des choix allant à l’encontre de leurs désirs. Pas par malice, mais pas nécessité.
Cruel et grave constat. Malgré son sens de l’ironie et son humour noir comme l’ébène, Buena Vida (Delivery) fait naître des sentiments chagrins. Histoire d’amour avortée et désordres familiaux ne poussent pas nécessairement à se taper sur les cuisses.
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