Les Trois chambres de la mélancolie : La guerre, en trois temps
Les Trois chambres de la mélancolie, de Pirjo Honkasalo, est un documentaire bouleversant sur les ravages causés par la guerre de Tchétchénie et sur les enfants touchés par ses atrocités.
Aslan, 11 ans, agressé sexuellement par des soldats russes, retrouvé dans une boîte de carton. Popov, 11 ans, devenu orphelin à la suite de l’incendie de sa maison. Adam, 12 ans, dont la garde a été retirée à sa mère après que cette dernière eut tenté de le jeter du balcon… Et ils sont nombreux encore, ces enfants qui n’en sont plus depuis longtemps, et dont les visages en gros plan, remplis de lucidité mélancolique, imprègnent la pellicule de la cinéaste finlandaise Pirjo Honkasalo.
Un documentaire de guerre donc, mettant l’accent sur les plus jeunes victimes du conflit tchétchène. Le résumé pourrait laisser présager un film larmoyant, débordant de bons sentiments et de voyeurisme malsain. Il en va tout autrement: rempli de poésie et de muette douleur, Les Trois chambres de la mélancolie offre un regard unique sur l’héritage terrible que laissent les conflits armés sur les générations qui devront rebâtir le pays dévasté.
Les chambres du titre, ce sont les parties du film: longing (nostalgie), breathing (respiration), remembering (souvenir). En poussant la porte de la première, de loin la plus fascinante des trois chambres, le spectateur se trouve confronté à un quotidien si morne qu’il en acquiert une aura d’irréalité. Dans une école militaire des environs de Saint-Pétersbourg placée sous la protection de Poutine, les garçons défilent en rangs serrés, affublés d’uniformes de soldats.
La deuxième chambre nous entraîne à Grozny, et, bien qu’elle se nomme "respiration", les scènes qu’elle laisse voir coupent littéralement le souffle. Des images d’immeubles bombardés, d’enfants jouant dans les décombres et de gens cherchant les disparus font peu à peu place à une scène déchirante dans laquelle une mère malade doit céder la garde de ses enfants.
La troisième et dernière séquence nous montre un camp de réfugiés de la région montagneuse de l’Ingouchie. Rythmée par des chants religieux, cette partie symbolise l’angoisse qui domine le quotidien des expatriés.
Certains pourraient reprocher à la cinéaste de se taire devant tant de souffrance, de préférer le silence à l’explication, de montrer ces visages sans jamais les laisser exprimer verbalement leur douleur. D’autres objecteront que, dans des cas comme celui-ci, une image vaut beaucoup, beaucoup plus que mille mots.
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