Fantasia / Worlds of Wounded Clay : Le merveilleux monde de Robert Morgan
Cinéma

Fantasia / Worlds of Wounded Clay : Le merveilleux monde de Robert Morgan

Fantasia présente Worlds of Wounded Clay, programme de courts métrages du jeune réalisateur anglais Robert Morgan. Entretien.

Vos films exploitent un réservoir d’idées et de concepts qu’on pourrait qualifier gentiment de "tordus". Qu’est-ce qui se passe dans la tête de Robert Morgan?

"Rien d’anormal. Cela dit, il est vrai que je passe des heures devant des photos de poulets… En fait, j’ai beaucoup de plaisir à inventer toutes ces choses. Je me sens comme un enfant qui s’amuse avec ses jouets. Ce n’est peut-être pas habituel pour un adulte de passer son temps de cette façon, mais c’est tellement plaisant. Je me limite aux choses que j’ai envie de voir à l’écran. Il s’avère que j’ai développé un goût pour ce genre de cinéma."

Quelles sont vos sources d’inspiration première? Y a-t-il des films ou des réalisateurs que vous trouvez particulièrement stimulants?

"Je suis un grand fan de David Lynch, et j’aime beaucoup la jeune période de Polanski: Le Locataire est l’un de mes films préférés. Et j’adore Tod Browning – j’ai vu une copie de The Unknown au British Film Institute, ça m’a soufflé. Ce film est tellement pervers! Une oeuvre GÉNIALE!"

Le qualificatif "kafkaïen" colle bien à vos films d’animation. Quel rapport entretenez-vous avec l’auteur de La Métamorphose?

"Je connais bien l’oeuvre, mais elle ne m’a pas consciemment influencé, du moins pas directement. L’écriture de Kafka est cérébrale, je suis davantage viscéral. Je crois que j’ai été plus influencé par la façon dont Kafka a influencé les autres. Je pense à Lynch, aux frères Quay, à John Frankenheimer, dont le film Seconds est très kafkaïen. Je pense que le legs de Kafka tient à ce paysage psychique qu’il a esquissé, et que chacun peut explorer. Poe a fait la même chose. Tout compte fait, je pense que Poe a plus compté pour moi que Kafka."

Pour votre plus récent film, Monsters, vous avez travaillé entièrement avec des comédiens en chair et en os. Était-ce plus simple que de travailler en claymation?

"Je ne dirais pas que c’était plus facile; différent, tout simplement. D’un côté, c’était plus simple de ne pas avoir à animer chaque plan. De l’autre, il est clair que le processus était moins maîtrisé. Les comédiens apportent un élément de surprise au film. C’est à la fois terrifiant et stimulant. Le défi consistait à composer avec ces éléments "surprenants"."

Le court métrage The Separation, à propos de deux frères siamois séparés contre leur gré, est né de votre fascination pour la tératologie et la chirurgie. De quelle façon cet intérêt singulier a-t-il influencé votre façon de faire du cinéma?

"J’ai toujours été obsédé par les monstres, réels comme imaginaires. Je dis toujours que je fais des films de monstres. La tératologie est l’étude de l’anormalité, des créatures monstrueuses. Dans mes films, j’étudie ces monstres qui sont en chacun de nous, je les révèle et en prends la mesure.

La chirurgie est un autre superbe sujet cinématographique, qui a ceci de bien qu’il se prête à de multiples interprétations. Visuellement, la chirurgie est violente et destructrice, bien que bénigne et résultant d’une intention positive. Elle peut par ailleurs susciter des complications grotesques. La chirurgie est aussi un acte incroyablement intime. Un chirurgien voit et explore des parties de votre corps que vous ne verrez jamais. Si l’on étire la métaphore à l’extrême, on dira que le cinéma, comme la pratique chirurgicale, permet d’aller sous la surface et de révéler des mécanismes cachés."

Vous jonglez avec divers projets en ce moment. À quoi ressemblera votre prochain film?

"Ce sera probablement un long métrage. Ça se décidera entre trois sujets sur lesquels je me concentre présentement. Les trois développent plus avant des sujets explorés dans mes courts métrages. On verra bien. Chose certaine, ça percole sérieusement entre mes deux oreilles."

www.fantasiafest.com