Oublier Cheyenne : La vie après l’amour
Oublier Cheyenne, de Valérie Minetto, relate l’histoire de deux femmes unies de coeur, mais divisées d’esprit. Un premier film prenant.
Paris, la nuit. Des feux de circulation clignotent, une jeune femme dort à même le sol. Une ambiance de vidéoclip se dégage de l’ensemble. Mais, sitôt que les personnages entrent en scène, on bascule vers le drame comique: la Cheyenne du titre, ancienne journaliste (Mila Dekker, inégale), a perdu son boulot et, simultanément, quelque peu l’esprit. Trop orgueilleuse pour accepter l’argent de qui que ce soit, elle s’exile à la campagne, refusant toute forme de technologie. À la lueur des bougies, elle pense à son ancienne amante Sonia (Aurélia Petit, excellente), celle qui fait tout pour l’oublier. Alors que Cheyenne cherche un remède à leur feue union dans une relation pour le moins extrême avec la nature, Sonia, professeure de chimie au lycée, cherche le salut dans les bars. C’est à l’occasion d’une de ces séances de drague destinées à ne pas connaître de lendemain qu’elle rencontre Pierre (Malik Zidi, gentil), un activiste passionné qui distribue des tracts aux slogans qui se veulent haineux mais qui sonnent ringard (euh…"les médias nous pissent dessus, le gouvernement nous dit qu’il pleut"?!).
Basculant constamment entre les genres, Oublier Cheyenne est une fable mi-tragique, mi-comique, une histoire d’amour autant qu’un commentaire sociologique. Si le mélange des genres sied parfois bien à l’oeuvre, on ne peut s’empêcher de penser que l’arrêt sur un seul choix aurait mieux servi l’ensemble. La thèse sur l’amour passionne. Le laïus politique, lui, rebute. La trame relationnelle entre les deux femmes est emplie de poésie. Il importe de noter que l’homosexualité n’est pas placée en premier plan, et que si la relation entre Cheyenne et Sonia connaît maintes difficultés, ce n’est guère en raison de son caractère gai. D’ailleurs, si démagogie il y a dans cette oeuvre, ce n’est nullement dans cet aspect qu’il faut la chercher. Appels à la grève, rejet de la société de consommation… C’est ce discours soixante-huitard dans toute sa splendeur, transposé dans la bouche de jeunes d’aujourd’hui ayant troqué ponchos et pattes d’eph’ contre piercings et fringues de marque, qui sonne faux et rétrograde. Mais l’amour, toujours l’amour, sauve la donne, donnant à cette fable aux accents militants une profondeur et un charme certains.
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