Stéphane Lapointe : Papa très cher
Cinéma

Stéphane Lapointe : Papa très cher

Stéphane Lapointe, réalisateur de la télésérie Hommes en quarantaine, a l’honneur de présenter son premier long métrage, La Vie secrète des gens heureux. Rencontre avec celui qui réalisera le Bye-bye de RBO.

Ayant commencé sa carrière comme rédacteur pour la revue Croc à l’âge de 16 ans, Stéphane Lapointe s’est ensuite fait les dents à la Course destination monde, cuvée 1995-1996: "Je ne voulais pas tourner le dos à l’humour, mais j’avais envie de développer un côté plus humain, de devenir moins cynique. Au fond, ce que je voulais, c’était raconter des histoires."

Tour à tour scripteur d’émissions humoristiques, dont Histoires de filles, reporter à Bons baisers d’Amérique, coréalisateur d’Infoman, le réalisateur de 35 ans signera d’abord les histoires des autres pour la télé (Hommes en quarantaine) avant de pouvoir tourner son propre scénario pour le grand écran.

Élevé par des parents parfaits (Gilbert Sicotte et Marie Gignac) dans une banlieue proprette, frère cadet d’une fille à qui tout réussit et flanqué d’un ami tombeur (Maxime Denommée), le pauvre Thomas (Marc Paquet, vu dans La Peau blanche de Daniel Roby) se sent bien ordinaire. Alors qu’il tente désespérément de terminer ses études en architecture avec succès, le jeune homme rencontrera Audrey (la nouvelle venue Catherine de Léan), une belle ténébreuse qui lui donnera des ailes. Évidemment, le bonheur n’est jamais simple et la vie peut être parfois cruelle…

Vous semblez prendre un malin plaisir à "torturer" vos personnages…

"Je vois beaucoup de films et j’aime particulièrement ceux où l’on retrouve de l’humour, de l’émotion et des situations qui sortent de l’ordinaire… un peu comme dans Magnolia. C’est vrai qu’en voyant mon film, on peut penser que je suis cruel avec eux, et pourtant, je ne les juge pas. Je me plais à les mettre dans des situations où ils sont complètement dépassés tout en demeurant vraisemblables. Lorsque j’ai vu Happiness, j’étais le seul à rire dans la salle; j’aime ce genre d’humour cruel et c’est ce que je voulais qu’on retrouve dans mon film."

Chacun de vos personnages passe un mauvais quart d’heure, mais vous vous acharnez particulièrement sur Thomas.

"Ce que j’aimais chez Marc Paquet, c’est qu’il peut facilement, d’un seul regard, donner l’impression que son personnage est un loser. Or, Thomas n’est pas un loser, c’est un gars qui croule sous la pression que lui imposent ses parents. En fait, l’idée de base du scénario, c’était de parler de cette course à la performance, à la recherche de la perfection, que nous impose la société."

Vous n’êtes pas très tendre non plus dans votre façon de dépeindre les femmes…

"Vraiment? C’est peut-être une question de perception. Dans le cas d’Audrey, elle peut paraître antipathique par ses agissements, mais j’ai bien pris soin de montrer la faille en elle afin de justifier ses choix, tout comme pour le personnage interprété par Marie Gignac. Ces femmes ont un manque, une blessure, mais elles se retrouvent coincées dans une espèce d’engrenage en tentant de sauver les apparences."

Comment se fait-il qu’un jeune auteur s’intéresse déjà au démon de midi?

"Je ne crois pas que ce soit une question d’âge… Que l’on soit dans la vingtaine ou la trentaine, on a tous traversé une période de remise en question, on sait tous ce qu’est un couple où le désir a disparu. Au fond, l’être humain change bien peu… et puis, Steven Spielberg a bien été capable de se mettre à la place d’un extra-terrestre! (rires)"

Que Gilbert Sicotte ait interprété le tombeur Jean-Paul Belleau a-t-il influencé votre choix pour le casting?

"Disons que ce n’est pas étranger à ma décision… En écrivant le scénario, je pensais à lui; je voulais quelqu’un qui puisse suggérer la force, l’assurance et la séduction."

Comme plusieurs cinéastes le font depuis une dizaine d’années, vous vous plaisez à dépeindre la banlieue de façon plutôt féroce.

"Je ne voulais pas faire un film sur la banlieue; d’ailleurs, l’action alterne souvent de la ville à la banlieue et j’aurais très bien pu camper l’action dans un quartier cossu de Montréal. Je ne voulais pas illustrer la banlieue comme dans Desperate Housewives avec ses maisons toutes pareilles. Je voulais seulement une belle maison avec une belle piscine pour montrer que cette famille vivait dans l’opulence."

Enfin, comment s’est fait le passage du petit au grand écran?

"Comme je le disais plus tôt, je vois beaucoup de films – des centaines par année! -, et lorsque je fais de la télé, je ne pense pas format télé mais bien cinéma, donc pour moi, cela s’est fait plutôt naturellement."

En salle le 8 septembre