Mémoires de nos pères : L’étoffe des héros
Avec Mémoires de nos pères, Clint Eastwood rend un hommage amer aux soldats qui ont donné leur vie à la patrie. Démonstration ample, mais imparfaite.
Le professeur Clint Eastwood se penche sur la Deuxième Guerre mondiale. Sa relecture des événements entourant la prise de l’île d’Iwo Jima, épisode clé de la bataille du Pacifique, permet de se familiariser avec une tranche d’histoire méconnue. L’exercice a également pour but de rendre crédit aux héros, petits soldats pour la plupart, qui ont donné leur vie pour la patrie ou que leurs "exploits" ont marqués à jamais.
Le film s’intéresse particulièrement aux six soldats qui ont hissé le drapeau américain au sommet du mont Suribachi – événement immortalisé par le photographe Joe Rosenthal – et fait la chronique des jours troubles qu’ont par la suite vécus les auteurs de ce fait d’armes.
Quelque temps après leur prouesse, les derniers survivants sont rappelés aux États-Unis, où l’armée a d’autres plans pour eux. Doc Bradley (Ryan Philippe), Rene Gagnon (Jesse Bradford) et Ira Hayes (Adam Beach) partent en tournée pour convaincre leurs compatriotes de participer financièrement à l’effort de guerre. Mal à l’aise avec le statut qui leur est conféré, les trois hommes s’exécutent non sans réticence.
Adapté du livre cosigné par James Bradley, fils de Doc, Mémoires de nos pères semble participer d’un certain devoir de mémoire. En même temps, Eastwood rend hommage aux combattants, ceux d’hier et d’aujourd’hui, mais son geste est coloré d’une certaine amertume.
Célébration du courage, de l’héroïsme, oui, mais exposition du côté sombre de ces vertus. En filigrane, le réalisateur explore d’autres thèmes prégnants, tels la manipulation de l’opinion publique et le pouvoir de persuasion de l’image.
Navigant entre le passé et le présent, le récit suit un fil qui a tendance à s’emmêler fréquemment. Les séquences où l’on rencontre les soldats à l’automne de leur vie alourdissent l’affaire et l’épilogue, qui tente de définir l’étoffe des héros, fait redondant.
On appréciera par ailleurs les qualités plastiques du film. Tournées en Islande, les superbes séquences d’action (le débarquement, notamment) possèdent une facture cauchemardesque qui ne laisse pas d’impressionner l’oeil.
Cela dit, au final, les intentions d’Eastwood demeurent nébuleuses. Éclairer, critiquer… Son Lettres d’Iwo Jima, qui relatera les événements du point de vue japonais, nous en apprendra sans doute plus long. Sortie prévue en février 2007.
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