13 Tzameti : La mort en noir et blanc
Avec 13 Tzameti, Gela Babluani plonge les spectateurs dans un nulle part où les hommes défient le destin dans un jeu de mort et de hasard. Rencontre avec un réalisateur qui se joue des convenances.
"Il y a 13 ans, mon père présentait un film au FFM. C’était en 93. Cette année, je montre 13 Tzameti au FNC… C’est marrant, non?" Cela doit bien être l’une de ces rares circonstances qui font marrer Gela Babluani, jeune et talentueux cinéaste dont la carrière a démarré en trombe avec ce premier long métrage gagnant du Lion du futur à Venise et du Grand Prix à Sundance. Car, en dehors de ce genre de coïncidences, teintées d’une petite touche de glauque, l’homme est loin d’être du genre rieur. Il est d’ailleurs le premier à l’affirmer. Quand on lui demande ce qui l’a poussé à tourner une oeuvre d’un tel pessimisme, il répond sombrement: "Je voulais faire un film sur la manipulation humaine, la compétition. Je voulais que la situation soit poussée à l’extrême. Comme vous voyez, je n’ai pas une vision très positive de l’être humain…"
C’est dans un univers sinistre meublé exclusivement de personnages aux gueules terribles que le jeune Sébastien (Georges Babluani, oui, oui, frérot de Gela) confie sa vie aux mains du destin: "Le casting a été extrêmement long, explique le réalisateur. J’ai vu, je ne sais pas moi, 3500 personnes?! Je voulais vraiment que les personnages aient l’air aussi surréalistes que le monde au sein duquel ils évoluent. Du coup, on a mis des annonces: "Vous avez plus de 30 ans? Vous voulez faire du cinéma? Envoyez-nous votre photo!""
Ce processus rustique a bien sûr donné lieu à quelques situations pour le moins cocasses, comme ce figurant qui s’est montré vraiment très intéressé par la maison où avait lieu le tournage: "Le type m’a dit: "Écoute, tu crois que je pourrais rester ici quelques jours? C’est sympa…" Ce n’est que plus tard que j’ai compris: le mec venait de sortir de prison et la première chose qu’il avait faite en retrouvant la liberté, ç’avait été de nous appeler!"
13 Tzameti, un titre qui soulève inévitablement des questions. Pourquoi Tzameti, d’abord. Mais surtout, pourquoi 13? "C’est un chiffre bizarre. Il y a des pays où il est synonyme de bonheur, d’autres, de malheur. En France, il possède une double signification: il faut jouer au loto le vendredi 13 parce que ça porte chance. Par contre, il ne faut pas être 13 à table. C’est un peu ce qui arrive au personnage principal: il commence par avoir beaucoup de chance avec ce numéro. Puis, tout bascule…"
Question chance, Babluani n’entretient aucune illusion. Malgré ses prix et la reconnaissance quasi mondiale qu’il a reçus, il proclame que chaque nouveau film est, et sera toujours, un démarrage à zéro. L’Héritage, son second opus mettant en vedette Sylvie Testud, est-il dans la même lignée que le premier? "Ça n’a rien à voir!" s’exclame le réalisateur. Connaîtra-t-il un succès aussi éclatant que 13? Les jeux sont faits…
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