American Hardcore : Les trois accords
Cinéma

American Hardcore : Les trois accords

American Hardcore, de Paul Rachman, s’intéresse à l’émergence d’un mouvement underground qui se démarque autant par sa musique que par son attitude.

Après le heavy métal dans Metal: A Headbanger’s Journey, c’est au tour de la musique hardcore d’être documentée au grand écran. Penchant encore plus extrême et indépendant du mouvement punk original (The Ramones, The Sex Pistols), le hardcore détonne vraiment dans le paysage culturel lorsqu’il émerge au début des années 80, alors que Reagan prend le contrôle de la Maison-Blanche et que le courant dominant en est un d’individualisme, de superficialité et de cupidité. Le film de Paul Rachman, inspiré du livre American Hardcore: A Tribal History de Steven Blush, décrit avec fougue la naissance d’un mouvement underground défini par son style musical mais surtout par l’attitude qui s’y rattache.

Il y a quelque chose qui rappelle Fight Club là-dedans, du rejet du conformisme, de l’autorité et du culte de l’argent à la façon dont l’agressivité et les frustrations refoulées des jeunes hommes explosent dans les mosh pits. Parfois politisé, parfois simplement enragé, le hardcore est une musique rapide, bruyante et imprévisible, à l’image des adolescents qui l’écoutent ou en jouent. Nul besoin d’être un virtuose, il suffit de connaître deux ou trois accords et de les jouer le plus rapidement possible! L’esprit DIY (do-it-yourself) est préconisé, les musiciens produisant et distribuant leurs disques eux-mêmes avec des pochettes faites main.

American Hardcore regroupe des entrevues conduites au cours des cinq dernières années par Rachman et Blush avec les membres des groupes phares du genre, que ce soit Minor Threat, SS Decontrol ou Black Flag, et explore les diverses scènes régionales (New York, Los Angeles, Washington, etc.) dont ils sont issus, dénotant les liens et les oppositions entre elles. Certains éléments particulièrement intéressants sont la montée de l’esprit straight edge, qui rejette la consommation de drogues et d’alcool, et le fait que bien que le mouvement soit largement peuplé de Blancs à la tête rasée, les pionniers Bad Brains sont des Noirs avec des dreads!

Le film rassemble aussi de nombreuses images d’archives, de qualité visuelle et sonore souvent approximative, mais qui parviennent quand même à montrer l’intensité et la violence des musiciens et de leur public pendant les concerts. Le tout est stimulant, quoique plutôt répétitif et abrasif, mais l’épuisement qu’on ressent reflète celui du mouvement hardcore lui-même, dont la première incarnation s’est éteinte vers 1985-1986.

À voir si vous aimez
Metal: A Headbanger’s Journey de Sam Dunn
The Decline of Western Civilization de Penelope Spheeris
The Filth and the Fury de Julien Temple