Je vous trouve très beau : Un amour de fermier
Cinéma

Je vous trouve très beau : Un amour de fermier

Dans Je vous trouve très beau, d’Isabelle Mergault, le prolifique Michel Blanc plonge dans le registre de l’émotion. Rencontre avec un acteur dont le visage a marqué, et marque toujours, celui de la comédie française…

Plus grand que nature, Michel Blanc ne l’est peut-être pas au sens propre. Par contre, au figuré!… Celui qui fut longtemps (trop à son goût) associé à l’ineffable Jean-Claude Duss, le malchanceux de la bande des Bronzés qui échouait systématiquement à toute tentative de "conclure", parle sans prétention d’une carrière ponctuée d’une cinquantaine de films, dont plusieurs devenus cultes.

Dans Je vous trouve très beau d’Isabelle Mergault, Blanc endosse un rôle sensible, à l’opposé total de ce à quoi il nous avait habitués au fil de ses trois dizaines d’années de carrière: "J’ai accepté ce personnage parce qu’il était nouveau, explique-t-il. Je n’ai jamais joué un personnage qui repose sur l’humanité. C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Quand j’ai lu le scénario, je me suis dit: "Voilà, c’est ça!"" C’est ainsi qu’il devient Aymé Pigrenet, un homme tout ce qu’il y a de plus nature, qui, aux côtés d’une femme passionnée de télé-séries américaines, dirige sa ferme d’une main de fer. Mais le jour où cette dernière perd la vie dans un malencontreux incident, Aymé se retrouve submergé. Non pas de chagrin, mais plutôt de désespoir. Car quelle représentante de la gent féminine voudrait bien prendre époux, non pas pour le sex-appeal de celui-ci, mais bien pour sa promptitude à lui déléguer la traite des vaches et l’assemblage de bottes de foin? Aymé se rend néanmoins dans une agence matrimoniale, où, sur les conseils de la kitschissime Mme Marais (Eva Darlan, comique), il décide d’aller en Roumanie, où les jolies filles se damneraient toutes pour un mari français. Sauf que voilà, Aymé n’en a rien à faire des mignonnettes "avec du rouge aux ongles" qui lui répètent inlassablement "Je vous trouve très beau". Elena (Medeea Marinescu, charmante) n’a ni vernis ni penchant pour les déclarations mensongères. Elle déclare d’emblée qu’elle aime les lapins, et qu’elle trouve Aymé tout sauf beau. Quelques heures plus tard, elle atterrit sur le sol français.

"Isabelle a traité le sujet de ces hommes qui vont acheter une femme à l’étranger d’une façon qui m’intéressait beaucoup, soit en contournant l’aspect repoussant, explique Blanc avec ferveur. Car ce type ne va pas chercher une compagne sexuelle, il va chercher une associée pour gérer sa ferme. Je me suis beaucoup raccroché à cela. Aymé possède à la fois un respect et une pudeur qui en font un personnage d’une grande droiture. Mais bon, c’est sûr que ce n’est pas le type commun à tous les hommes qui font appel à des agences matrimoniales…"

LE ROMANTIQUE

Lorsqu’il parle de "son" agriculteur, celui qui incarnait son propre sosie et faisait de Josiane Balasko sa proie sexuelle dans Grosse Fatigue laisse entrevoir un côté eau de rose qu’on ne lui soupçonnait guère: "Au début, Aymé ne sait pas ce que c’est que l’amour. Il est en face d’un sentiment qu’il ne connaît pas, donc il panique. Il pique une crise de jalousie, mais il ne sait pas non plus que c’en est une, puisqu’il n’en a jamais ressenti! Par rapport au reste de ma filmographie, je dirais que c’est mon rôle le plus humain. Putain, il n’y a pas beaucoup de gens capables d’aimer autant qu’Aymé! Ce type, il est formidable! Il est beaucoup mieux que moi!"

Cette comédie attendrissante, légère et sans fioritures, a touché le coeur du public français. Blanc avoue s’être attendu à quelque 700 000 entrées. L’opus en a finalement fait cinq fois plus: "Professionnellement, c’était un quitte ou double: je voulais voir si le public était prêt à me suivre dans un rôle comme ça. Ça a marché et ça m’a fait réellement plaisir. Mais ce qui m’a fait le plus plaisir, ça a été d’entendre des gens dire que je faisais des rôles de plus en plus intéressants, que je m’améliorais. Pour un acteur, c’est absolument génial!"

En tant qu’acteur, justement, il aurait aimé faire partie de La Grande Illusion de Renoir, même s’il rigole en se demandant s’il aurait pu "faire mieux que Marcel Dalio". Être de la distribution du To Be or Not to Be de Lubitsch ("la plus grande comédie qu’on ait jamais faite!") n’aurait pas non plus été de refus: "Mais il vaut mieux penser aux films qu’on fera peut-être. J’aimerais bien me dire que j’ai été au moins dans un film de ce niveau-là!…"

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