Plus étrange que fiction : Lire sa vie
Dans Plus étrange que fiction, de Marc Forster, Will Ferrell prouve, à l’instar de Jim Carrey dans Du bonheur plein la tête, qu’il n’est pas qu’un bouffon hystérique.
Percepteur d’impôts sans envergure, Harold Crick (Will Ferrell, attachant, drôle et touchant) découvre un jour, grâce à un professeur de littérature (Dustin Hoffman, délicieusement loufoque), que la voix féminine qui narre ses moindres faits et gestes n’est nulle autre qu’une célèbre romancière (Emma Thomson, parfaite comme toujours) ayant l’habitude de terminer ses livres par la mort du… personnage principal. L’auteure de ses jours, flanquée d’une assistante (Queen Latifah, enfin sortie de son ghetto), veillant à la progression du roman, Harold, qui s’est entiché d’une pâtissière rebelle (mignonne Maggie Gyllenhaal), tentera de sauver sa peau.
Si ces quelques lignes vous rappellent quelque chose, c’est que vous avez peut-être vu l’irrésistible et absurde Waiter du Hollandais Alex van Warmerdam où un garçon de table tente de convaincre un romancier qui écrit sa vie de pimenter son ennuyeuse existence. Toutefois, si la facture très modeste de cette sobre réalisation vous a rebutés, il y a fort à parier que vous craquerez pour la mise en scène inventive de Plus étrange que fiction de Marc Forster qui illustre joliment les obsessions d’un homme coincé passant à côté de sa vie.
Partant d’une idée fantaisiste, Plus étrange que fiction pose la même question que le récent Infamous de Douglas McGrath, dans lequel Capote vampirise l’assassin Perry Smith afin de livrer son chef-d’oeuvre In Cold Blood, c’est-à-dire: l’art vaut-il plus que la vie? Pas jojo comme sujet, vous me direz… Et pourtant, Forster, qui sait aussi donner dans le mélo tel que le prouve son Finding Neverland sur l’auteur de Peter Pan, offre ici une réflexion pleine d’humour et de finesse qui provoquera tour à tour sourires et fous rires.
Moins délirant que l’univers d’un Kaufman ou d’un Gondry, l’ensemble, qui charme tant l’oeil que l’esprit, gagne aussi en émotion à mesure que le récit progresse. Sans jamais jouer la carte du moralisme, Forster poussera tant son protagoniste que le spectateur à remettre en question ses idéaux. Et au milieu de ce monde aseptisé que Harold s’est créé, Will Ferrell en vient presque à nous arracher les larmes. Qui eût cru qu’un acteur de talent se cachait derrière ce cabotin flamboyant?
À voir si vous aimez
Waiter d’Alex van Warmerdam
Adaptation de Spike Jonze
Finding Neverland de Marc Forster