RIDM : Au-delà du réel
Du 9 au 19 novembre, les RIDM proposent une sélection de pas moins de 118 documentaires venus des quatre coins de la planète. Quand la réalité dépasse la fiction…
Certes, le documentaire n’est pas nécessairement le genre qui fait le plus courir les foules. Certes, le documentaire n’est pas forcément le style vers lequel on se tourne automatiquement lorsque l’on est en manque de divertissement. Mais il serait vraiment très dommage de passer par-dessus cette 9e édition des RIDM qui offre une programmation de qualité pour le moins éclectique. Pour vous aider à trouver votre bonheur, voici un bref survol d’une parcelle de ce que vous pourrez visionner au cours de ces onze journées de rencontres…
Dans la catégorie des films qui s’annoncent pour le moins prometteurs, mentionnons tout d’abord Le Voyage de Nadia dans lequel la cinéaste Nadia Zouaoui raconte l’histoire du mariage forcé auquel elle a dû se soumettre alors qu’elle avait à peine 19 ans (10 et 12 nov.). Soulignons ensuite Tu ne diras point de la (très) jeune réalisatrice française Aude Léa Rapin, un documentaire qui aborde le sujet pour le moins tabou de la pédophilie, l’examinant sous un angle sensible qui risque de ne laisser personne indifférent. (13 et 15 nov.)
Dans la lignée des sujets graves traités avec humanité, on retrouve aussi Alimentation générale, un film signé Chantal Briet qui nous transporte dans la banlieue parisienne d’Épinay-sur-Seine. C’est dans ce quartier où tout n’est que graffitis et HLM délabrés que le charmant Ali dirige depuis de nombreuses années une épicerie où se croisent des gens de tous les âges et de toutes les nationalités pour boire un café, se moquer de Johnny Hallyday, faire du break dance et se mobiliser afin de revendiquer leurs droits, trop souvent bafoués. Un Clerks du documentaire. (17 et 19 nov.)
Dans Bledi, mon pays est ici, Malcom Guy et Eylem Kaftan se penchent aussi sur la question de l’immigration. Le sujet risque d’autant plus de concerner le public d’ici qu’il se concentre surtout sur l’histoire de cet Algérien qui s’était réfugié dans une église de Québec pour échapper à la déportation. On regrettera néanmoins le ton extrêmement revendicateur qui laisse peu de place à la nuance et ne sert pas nécessairement le propos. (11 et 15 nov.)
Tout en nuances, L’Esprit des lieux de Catherine Martin l’est sans conteste. Dans ce panorama visuel d’une grande beauté, la réalisatrice fait refaire au spectateur le parcours que le photographe québécois d’origine hongroise, Gabor Szilasi, a effectué dans la région de Charlevoix il y a de cela 35 ans. Des témoignages émouvants d’êtres ayant assisté au changement drastique du monde rural viennent compléter ce portrait poétique. (16 et 18 nov.)
Après Hiroshima, les chamboulements qu’a connus l’ensemble du Japon ont aussi été brutaux. Plus de soixante ans après avoir été lâchée, la bombe qui a causé 500 000 morts en une seule seconde continue son travail destructeur. À 89 ans, le docteur Hida, lui-même victime des radiations, continue de soigner les survivants de cette tragédie inhumaine. Des images d’archives bouleversantes renforcent le propos troublant de Blessures atomiques de Marcel Petitjean et rendent compte du traitement indigne auquel ont longtemps été soumis les Japonais par les Américains. (13 et 15 nov.)
Un procédé de conscientisation risque aussi de se mettre en branle chez le spectateur après le visionnement du Porteur d’eau de Pascal Gélinas. Ce film retrace le cheminement courageux de Gilles Raymond, un Québécois qui, après avoir mené pendant 20 ans une bataille acharnée avec le gouvernement pour le développement des régions, a quitté Saint-Esprit afin d’offrir son aide aux habitants de Florès. Dans cette île indonésienne touchée par la sécheresse, la quête de l’eau est une problématique de tous les instants. Un documentaire percutant, rythmé par la narration de Jacques Languirand. (16 nov.)
Finalement, coup de coeur incontestable pour The Shutka Book of Records de Aleksandar Manic qui nous entraîne dans un petit village des Balkans où l’honneur des villageois réside dans leur capacité à être les champions incontestés des disciplines les plus incroyables. Le village possède ainsi un chasseur de vampires émérite, un possesseur de la plus grande collection de cassettes (on s’entend bien, de cassettes, pas de CD!) de musique turque, un magicien capable de faire voyager les gens jusqu’en Amérique, sans visa… Les inconditionnels d’Emir Kusturica reconnaîtront dans le narrateur Koljo le Matko de Chat noir, chat blanc. Manic n’est d’ailleurs pas étranger à l’univers du grand maître qui a signé Le Temps des gitans, puisqu’il a lui-même collaboré au Making Of de Underground. Un croisement complètement délirant entre La Vie est un miracle et les 15 premières minutes de Borat… Hopa! (12 et 14 nov.)